Politique économie – Plan quinquennal : 57 milliards d’euros pour changer de système

La Nouvelle République 26/09/2017 05:36
Le « plan d’investissement » promis par Emmanuel Macron sera doté de 57 milliards d’euros pour financer d’ici à 2022 les priorités de l’exécutif.
Élaboré par l’économiste Jean Pisani-Ferry, l’homme orchestre du programme présidentiel d’Emmanuel Macron, ce plan quinquennal doit permettre d’« amplifier l’effet (des) réformes économiques, fiscales, et sociales » du gouvernement, a souligné lundi le premier ministre Édouard Philippe. « Il s’agit de donner de la puissance et de la visibilité à nos grandes priorités d’investissement », a-t-il déclaré.
Première priorité du gouvernement : la transition écologique. « C’est la continuité du plan climat qui a été présenté par le ministre d’État (Nicolas Hulot, ndlr) au début du mois de juillet dernier », a observé le premier ministre.
Autre priorité, la « société de compétences » qui doit former et accompagner vers l’emploi « un million de chômeurs faiblement qualifiés et un million de jeunes décrocheurs », a affirmé Édouard Philippe.
Selon Jean Pisani-Ferry, ce volet formation doit faire baisser le chômage structurel d’un point sur le quinquennat, « un objectif ambitieux ». « On réinsère dans l’emploi 300.000 personnes », a-t-il détaillé, tout en disant « espérer plus ».
Début des financements en 2018
Le plan prévoit aussi d’aider l’agriculture à « accélérer l’adaptation des outils et le changement des pratiques », « mieux intégrer la réponse aux défis climatique », ou encore « renforcer la compétitivité des différentes filières ». Quant à la transformation numérique de l’action publique, il s’agira notamment « d’économiser dans le fonctionnement de la machine de l’État ».
Le financement de ce plan se fera grâce à « la mobilisation des budgets des ministères qui vont accorder plus de priorités à ces dépenses d’investissement, grâce au financement du troisième programme pour les investissements d’avenir (PIA3) et grâce à la mobilisation exceptionnelle de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de la Banque européenne d’investissement (BEI) ».
Plus précisément, 12 milliards d’euros seront constitués de crédits déjà existants, qui seront activés ou réorientés, tandis que 45 milliards d’euros représenteront de nouveaux financements. Sur ces 45 milliards d’euros, 24 milliards pèseront sur le budget de l’État, tandis que 11 milliards seront issus de la CDC et de la BEI, ce qui n’aura « pas d’effet sur le déficit public ».
« Un affichage des priorités »
Nous avons demandé à Jérôme Creel, directeur du département des études à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), et spécialiste de macroéconomie, de nous expliquer les enjeux et la portée éventuelle d’un plan d’investissement.
 > Un plan de relance ou un plan d’investissement ? Selon les époques et les gouvernants, les plans pluriannuels tel que celui présenté lundi par Edouard Philippe portent le qualificatif de « relance » ou « d’investissement ». Pour Jérôme Creel, celui-ci mixe en fait les deux notions. « On y voit la volonté claire du gouvernement de financer la transition écologique via notamment la rénovation énergétique des bâtiments ou la prime à la casse » automobile, note-t-il. Mais il y voit aussi le « financement de mesures » déjà présentées mais qui n’avaient pas encore été détaillées.
 > Est-ce aussi un acte politique ? C’est surtout un acte politique, juge Jérôme Creel. Ce plan d’investissement est à la fois « un affichage des priorités du gouvernement » mais aussi un élément « de cohérence avec le programme présidentiel d’Emmanuel Macron ». Il doit venir rassurer ses électeurs et asseoir sa politique.
 > En quoi diffère-t-il des plans Sarkozy et Hollande ? Les deux prédecesseurs d’Emmanuel Macron à l’Élysée ont également conduit des plans de ce type. D’ailleurs, le plan Macron inclut « dix milliards du plan de François Hollande qui seront reversés dans le plan annoncé ». En rythme annuel, les plans précédents « représentaient environ 6 milliards d’euros par an ». Une cadence qu’adoptera aussi celui d’Emmanuel Macron puisque les 24 milliards d’euros nouveaux dégagés dans le budget de l’État pour ce plan seront à dépenser en quatre ans. Au final, « cela représente environ 0,3 % du PIB. Ce n’est pas un effort considérable si on considère en même temps les mesures d’économie. Il n’y aura certes pas d’économies sur les investissements publics mais ce ne sera pas + 0,3 % net. »
 > Peut-il y avoir un effet d’entraînement ? C’est une mécanique difficile à quantifier précisément, note Jérôme Creel. L’Union européenne qui a injecté 20 milliards d’euros dans l’économie du continent estime « qu’un euro de protection versé par le Fonds européen pour les investissements stratégiques engendre 15 € d’investissements privés dans l’économie réelle ». Soit au final entre 330 et 410 milliards d’euros si on y ajoute l’apport de financements semi-publics et privés. L’OFCE a réalisé une étude à partir de ce plan en suivant l’exemple français (7 milliards investis par l’UE) et a confirmé l’effet de levier. Sans pouvoir en mesurer l’ampleur réelle. « Mais il existe bien un effet positif, tranche Jérôme Creel. Quant à l’effet d’aubaine, on ne l’a pas trouvé. Il y a une complémentarité entre l’investissement public et privé. »
 > Pourquoi ne pas avoir fait un plan à 100 milliards d’euros ? Si l’effet de levier est réel, on peut se demander pourquoi le plan Macron n’est pas plus ambitieux. D’abord, parce que ce n’est pas le meilleur moment pour le faire. « Nous sommes dans une phase de reprise », explique Jérôme Creel. « Il fallait le faire il y a trois ans, estime-t-il. On ne l’a peut-être pas fait avant de peur d’un décrochage et de mauvaises réactions du marché. Une augmentation de la dette publique aurait pû entraîner une hausse des taux d’intérêt. » Un risque pourtant limité en France selon lui. L’autre raison est dûe aux négociations avancées avec l’Allemagne quant au changement de gouvernance de l’Europe. « Si le montant du plan annoncé dépassait les 100 milliards », cela aurait créé le doute quant à la capacité de la France à maintenir son déficit public sous les 3 % cette année. Et perdre en crédibilité auprès de ses partenaires européens. 

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