Parti nationaliste allemand : 94 députés élus à bras levé

Le Canard Enchaîné 04/10/2017 – Anne-Sophie Mercier –
Les 94 députés de l’Alternative pour l’Allemagne qui font leur entrée au Bundestag ne sont pas regardants : identitaire, néonazis, révisionnistes sont les bienvenus.
C’est quelque chose, le pragmatisme allemand. Pas un vain mot. A l’Alternative pour l’Allemagne (AFD), premier parti d’extrême droite à envoyer des députés au Bundestag depuis la guerre, on ne s’étripe pas comme chez nous sur la ligne National-philippotiste ou maréchal-conservatrice. Souverainiste ou identitaire ? C’est dépassé, d’avoir une ligne, ça fait vieux monde, quelle drôle d’idée, Kameraden, de se définir, c’est se diviser, verstanden ? A l’AFD, c’est un peu comme chez McDonald’s : venez comme vous êtes. 
Il y a ceux qui en pincent pour les valeurs familiales éternelles de l’Allemagne, les trois K : Kinder, Küche und Kirche (« enfants, cuisine et église ») et qui trouvent l’équipe nationale de foot allemande un chouïa trop métissée. Ceux là se retrouveront dans la vice-présidente du parti, la duchesse Beatrix von Storch, élue députée, et dont le grand-père fut ministre des Finances du grand Reich. Beatrix est un tout petit peu émotive, c’est ce qui fait son charme : elle a pleuré, oui, le soir du Brexit, si c’est pas mignon… 
Pour ceux qui se sentent révisionnistes avant tout et défendent, discrètement bien sûr, « une identité et un territoire pangermaniques », il y a les prises de positions sans fioritures de Björn Höcke, député lui aussi. Björn n’est pas un fan du mémorial de la Shoah construi en plein Berlin, ça non : « Nous sommes, nous, les Allemands, le seul peuple à avoir implanté un mémorial de la honte au cœur de sa capitale« .
Fier des soldats de la Wehrmacht
Björn a ses fans, c’est indéniable, mais on a le droit de lui préférer Jörg Meuthen. Jörg est libéral, une chapelle en perte de vitesse à l’AFD, mais il est pourtant porte-parole du parti. Il y a un an, il s’est rebellé et a demandé l’exclusion d’un député régional du Bade-Wurtemberg, un certain Gedeon, furieusement antisémite. Gedeon n’y était pas allé avec le dos de la cuillère en publiant un livre dans lequel il affirmait : « Le ghetto juif talmudique est l’ennemi intérieur de l’Occident. » un peu clivant, le Gedeon, faut reconnaître. Mais, finalement, il est toujours membre de l’AFD, et le bouillant Jörg, qui disait que ça allait chauffer, s’est calmé. Du coup, il est devenu député. Il a des mots très durs envers le FN, qui « manque de compétence économique« . La crédibilité avant tout. 
Ceux qui s’ennuient un peu et trouvent la vie politique allemande trop morne adorent Alexander Gauland, devenu le leader du parti depuis que Frauke Petry a été mise sur la touche au printemps dernier. Un peu fadasse cette Petry, un peu mollassonne. Elle voulait bien en rajouter une louche sur les réfugiés, mais elle n’avait pas envie de briser les tabous sur la guerre, quelle pisse-froid. Élue députée, Frauke vient de quitter l’AFD qu’elle trouvait trop extrême. Aucun humour !
A 76 ans, Alexander ne s’en plaint pas et s’amuse comme un petit fou depuis qu’il est devenu patron du parti : il a invité les allemands à se montrer fiers des soldats de la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale. Il a aussi proposé de « déporter » une ministre germano-turque en Anatolie.
Protesters hold placards to demonstrate against the AfD during its election campaign launch in Essen, North Rhine-Westphalia. Photograph: Wolfgang Rattay/Reuters
Lesbienne libertaire
Alexander, c’est le Jean-Marie Le Pen local. Le dérapage, c’est son bonbon à lui. Cofondateur du parti en 2013, Alexander est un vieux routier de la politique, avec quarante ans de CDU (Union Chriétienne-Démocrate) au compteur avant l’AFD. Son incroyable alliance avec Alice Weidel est son coup de génie. Elle a la moitié de son âge et vient de chez Goldman Sachs. Elle est blonde, « moderne« , diplômée d’économie, a passé plusieurs années en Chine, vit en couple avec une Sri Lankaise et élève à ses côtés les deux enfants qu’elles ont adoptés. Elle se décrit comme « libertaire », mais, nombreux sont ceux qui pensent qu’elle n’a, en fait, pas de limites. Elle est très forte, Alice, pour faire le buzz, quitter théâtralement les plateaux de télé en accusant ses interlocuteurs d’intolérance? Son image en a pris un coup quand les médias allemands ont révélé qu’un courriel envoyé de son adresse comparait Merkel et ses ministres à « des porcs qui ne sont rien d’autre que les marionnettes des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ». Elle a nié avoir envoyé le message, sans convaincre.
Devenue présidente du groupe parlementaire, Weidel est l’avenir du parti. Elle a été proche de tous ceux qui ont dirigé l’AFD puis les a poignardés, l’heure venue. Son modèle, c’est la Chine : dictature et libéralisme économique. Une lesbienne libertaire, excellente communicante et éprise d’ordre. un superbe produit d’appel, cette petite loutre en bonne santé, le poil luisant, les dents blanches et acérées…

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