Aucun cavalier, aucun exploit équestre classique, rien que des chevaux en scène, évidemment surveillés à distance par des écuyers mais au plus près d’une présence directe. Le spectacle Ex Anima, mis en scène par Bartabas pour une quarantaine d’équidés, parie avec audace sur une succession de tableaux très sobres centrés sur les comportements des animaux. Contempler les chevaux, leur immobilité, leur silence, leur détente nerveuse, fait partie des surprises douces de cette pièce qui engendre un calme étrange que les scènes plus nerveuses avec attaque et domination explosent. Ex Anima, dont l’exploit technique est à saluer, exige beaucoup d’attention et d’humilité de la part des cavaliers devenus des manipulateurs de l’ombre. Dans le programme de Ex Anima, Bartabas a fait photographier chacun de ses équidés à la manière du Studio Harcourt, comme de grands acteurs. Une idée qui signe impeccablement l’esprit et la substance du spectacle. Théâtre équestre Zingaro, Fort d’Aubervilliers. Mardi, mercredi, vendredi, samedi à 20 h 30 – dimanche à 17 h 30. Le Monde
Scène – Bartabas : « Le cheval joue comme un enfant »
Rencontre avec le metteur en scène écuyer dont le dernier spectacle « Ex Anima », supprime les cavaliers et donne toute la place à l’animal.
Le Monde | 20.10.2017 Propos recueillis par Rosita Boisseau
Le nouveau – et annoncé comme ultime – spectacle de Bartabas et du Théâtre équestre Zingaro, Ex Anima, met en vedette un troupeau de chevaux. Dans le programme de cette production, qui a démarré le 17 octobre à Aubervilliers, Bartabas, 60 ans, a fait photographier chacun de ses équidés à la manière du Studio Harcourt, comme de grands acteurs. Une démarche qui symbolise l’essence de ce nouveau spectacle qui met en scène les chevaux sans aucun cavalier.
Comment l’idée d’« Ex Anima » est-elle née ?
J’ai eu envie et besoin de laisser la place aux chevaux en tant qu’acteurs principaux du spectacle, de les montrer tels qu’ils sont. Cela fait plus de trente-cinq ans qu’ils font partie de l’aventure Zingaro. Il a fallu une vie pour arriver à Ex Anima. Leur rendre leur liberté est comme un geste pur, abstrait. Je supprime les cavaliers, les voltigeurs. Nous nous effaçons.
Evidemment, je ne les lâche pas comme ça, mais je leur fais confiance. Lorsque, dans le spectacle Le Centaure et l’Animal, je tournais autour du plateau sur Soutine, l’un de mes chevaux solistes, je ne le retenais par aucune bride. Je n’avais qu’à m’abandonner, me laisser guider.
C’est un peu la même chose dans Ex Anima, sauf qu’ils occupent entièrement la scène et composent un tableau pendant que nous sommes en retrait. La présence de percussions et de flûtes issues de traditions ancestrales permet de revenir à des émotions originelles. Lorsque le troupeau est en liberté, il y a une sorte de paix qui se dégage de la piste, comme un espace de sagesse.
Cette image du cheval en liberté est présente depuis vos débuts au Cirque Aligre. Le fantasme de la nature plane-t-il sur le spectacle ?
Avec les chevaux, on est confronté à la nature en permanence : rien que le poids d’un cheval de 700 kg vous le rappelle, son crottin aussi… Mais Ex Anima est un spectacle :…
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Mais Ex Anima est un spectacle : la nature y est théâtralisée et le cheval joue comme un enfant ou un acteur. Les répétitions ont duré huit mois. Certaines scènes sont nées d’une longue observation des chevaux, dont certains vivent et travaillent à Zingaro depuis plus de vingt ans.
Mais seront-ils capables de les répéter ? Celle par exemple où un groupe rejette un cheval d’une autre robe s’est opérée naturellement pendant les répétitions. Par ailleurs j’aimerais rendre hommage aux chevaux que l’homme a abandonnés au XXIe siècle, en rappelant qu’ils ont payé un lourd tribut en accompagnant son évolution pendant des décennies.
Vous parlez plus souvent de chorégraphier les chevaux que de les dresser.
Je compare mes chevaux à des danseurs. Je ne suis pas dans la démonstration de cirque. Je travaille avec eux sur la qualité du geste, son amplitude, son élégance, son rythme. Je ne les dresse pas comme un caniche qui monte sur son tabouret et est récompensé par un sucre.
« Le public va devoir apprendre à lire le cheval comme un danseur ou un acteur »