Ce rêve de scientifique est devenu un moteur pour les géants de l’industrie. IBM, Microsoft, Intel et Google viennent de confirmer leur intérêt pour l’ordinateur quantique, une machine qui pourrait surpasser les supercalculateurs d’ici à une décennie
Le Temps 03/11/2017 Denis Delbecq
«Quel ordinateur utiliserons-nous pour faire des simulations de physique?» s’était interrogé le Prix Nobel de physique Richard Feynman en 1981. Et le facétieux chercheur de lancer une idée folle: pourquoi ne pas créer un ordinateur dont le fonctionnement reposerait sur les propriétés qu’il est censé étudier? Un ordinateur quantique, pardi! Trente-six ans plus tard, le message a convaincu les géants de l’informatique.
Le 23 octobre, Google a annoncé la mise à disposition de logiciels dédiés à ces futures machines. Quelques jours plus tôt, Intel avait présenté un prototype de processeur quantique. Deux exemples d’incursions industrielles dans un univers qui nous dépasse, celui de l’infiniment petit.
Du bit au qbit
Les physiciens le savent, quand on étudie de près un électron, un atome ou une particule de lumière, leur nature échappe au sens commun. Ces objets peuvent se trouver à deux endroits à la fois ou dans plusieurs états en même temps. On peut aussi les intriquer — les lier — puis les éloigner de mille kilomètres sans défaire leur attache ou téléporter certaines de leurs propriétés. Un comportement propre à révolutionner le fonctionnement des ordinateurs, avait perçu Richard Feynman.
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Dans une puce électronique, l’information élémentaire est portée par le bit, qui peut valoir 0 ou 1 suivant qu’un courant passe ou pas dans un circuit élémentaire, le transistor. Cette physique est celle de la certitude: soit le courant circule, soit il n’y en a pas. Une certitude qui a un prix: un bit, c’est un transistor et deux possibilités. Avec la physique quantique, les compteurs s’affolent: 100 qbits — l’équivalent quantique du bit — représentent autant de transistors classiques qu’il y a d’atomes dans l’univers!
« Une fois franchi le seuil de 49 qbits, l’ordinateur quantique aura prouvé qu’il est plus performant que les supercalculateurs »