Uber, le paradis fiscal au coin de la rue

Le Canard Enchaîné – 15/11/2017 – Hervé Martin –
Délices de la mondialisation, les édens fiscaux, tels ceux décrits par les « Paradise Papers », sont accessibles en bas de chez soi : Parisiens et habitants des principales villes françaises en croisent tous les jours dans la rue… sous la forme de grosses berlines noires de la plateforme de VTC Uber. En France, la boîte américaine échappe à toute imposition, que ce soit sur les bénéfices ou sur la TVA. Bonus : près de 150 millions par an.

Uber, même s’il ne compte que quelques dizaines d’employés à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), est la filiale d’une société hollandaise, Uber BV, dont le siège se situe à Amsterdam. C’est elle qui facture ses clients français en retenant une commission de 25 %. pour une course à 10 euros, par exemple, le chauffeur touche 7,50 euros net. Grâce à ses 27 000 chauffeurs dans l’Hexagone, réalisant un chiffre d’affaire moyen de 60 000 euros, la plateforme ramasse 400 millions de commissions par an. Sur ce pactole, Uber devrait payer 80 millions de TVA au fisc. Mais le groupe n’allonge pas un sou, puisque sa facture est émise depuis l’étranger, c’est-à-dire hors taxes – « conformément aux règles de TVA dans l’Union européenne« , confirme une porte-parole d’Uber en France.
A côté de sa pompe
Aux Pays-Bas, il ne paie guère plus. Car les « droits intellectuels » d’Uber BV – en l’occurrence, celui d’exploiter son application – appartiennent à sa maison mère, Uber International CV. Celle-ci, logée comme sa fille au 68-78 Vijzelstraat, dans le cœur historique d’Amsterdam, est en fait enregistrée aux Bermudes, un paradis tropical qui ne connaît pas plus l’impôt que le verglas. Ça tombe bien : Uber International CV, en échange du droit d’utiliser sa plateforme, pompe à sa filiale la quasi-totalité des revenus qu’elle en retire. Du coup, le fisc néerlandais n’a pratiquement plus rien à se mettre sous la dent au titre de l’impôt sur les sociétés (IS). Or, si les frais de fonctionnement représente la moitié des quelques 400 millions d’euros sus-cités, il reste 200 millions imposables. Uber aurait dû acquitter un tiers de cette somme au titre de l’IS français, soit environ 65 millions. Autant d’argent soustrait au fisc tricolore. 
Celui-ci ne renonce pourtant pas à se TVA. Uber ne payant rien, il faut que quelqu’un le fasse à sa place. Les chauffeurs, peut-être ? La porte-parole de la boîte confirme : « En tant que destinataires de nos services, ils sont tenus d’évaluer et d’auto-liquider la TVA« , c’est-à-dire de payer de leur poche quelque 80 millions par an. Super affaire !
Les autres applis françaises de VTC leur retranchent également un coût de « service » – entre 20 et 25 % du prix de la course. Mais eux, c’est TVA comprise. Si, sur une course à 10 euros, un chauffeur de Le Cab ou de Chauffeur privé garde pour lui entre 7 et 7,5 euros, celui d’Uber devra se contenter de 6,5 euros. Contrairement à leurs clients, les chauffeurs d’Uber ne sont pas transportés…

A propos werdna01

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