Le frère dominicain, défenseur des paysans opprimés par les latifundistes brésiliens est mort dimanche 26 novembre, à Paris. Il avait 87 ans.
En 1978, Henri Burin des Roziers s’envole pour le Brésil où il embrasse la cause des paysans sans terre opprimés par les latifundistes et se consacre à la lutte contre l’esclavage moderne. Le frère dominicain redonne voix aux démunis.

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LE MONDE | 29.11.2017 à 15h57 | Par Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)
En 2010, sachant sa santé déclinante, il avait fait un vœu : être au Brésil quand « la mort le surprendrait ». Le destin en a décidé autrement. Henri Burin des Roziers, frère dominicain, figure de la défense des paysans sans terre, des travailleurs opprimés et des oubliés du capitalisme, est mort dimanche 26 novembre dans le couvent Saint-Jacques, à Paris. Il avait 87 ans.
Né le 18 février 1930, à Paris, troisième d’une fratrie de cinq, Henri Burin des Roziers emprunte dès son adolescence une voie singulière dans une lignée marquée par les parcours héroïques entre gaullisme et Résistance. Il a environ 17 ans quand il décide de s’extraire de son confort bourgeois. Engagé au sein des Conférences Saint-Vincent-de-Paul, il visite des familles ouvrières dans la périphérie de Paris et découvre des parents serrés avec sept ou huit enfants dans des taudis. « Cela m’a beaucoup frappé. Pourquoi moi, j’ai tous ces avantages et eux… (…) Je me suis dit : qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? », confiait-il lors d’un entretien à la chaîne KTO en 2012.
Sa rencontre avec le père dominicain Yves Congar, un théologien dont il admire la liberté, stimulera son engagement dans cet ordre religieux. Henri Burin des Roziers est ordonné prêtre alors que vient de se clore le concile de Vatican II. Homme de gauche, il se fait remarquer aux côtés de son grand ami Jean Raguénès, en mai 1968, au centre Saint-Yves devenu le refuge des étudiants révoltés et même d’une poignée de « Katangais », ces groupes incontrôlables qui s’étaient autoproclamés service d’ordre pendant l’occupation de la Sorbonne.
Diplômé en droit, en théologie et en philosophie, il devient ensuite prêtre-ouvrier à Besançon puis rejoint Annecy, en 1971, où il s’occupe de l’inspection des HLM. Une ville alors marquée par l’afflux d’immigrés et un racisme qu’il s’efforce de combattre.
Mais son esprit est, déjà, tourné vers le Brésil. La phrase du Brésilien Tomas Balduino résonne dans sa tête. « Aujourd’hui, vivre l’Evangile se paie très cher », explique, lors d’un passage à Paris, le théologien de la libération qui deviendra l’un des fondateurs de la Commission pastorale de la terre (CPT) au Brésil. Sa conviction est renforcée par le témoignage bouleversant du frère Tito de Alencar venu chercher asile en France en 1972 après avoir été torturé sous la dictature militaire (1964-1985).
« Les injustices le révoltaient »
En 1978, Henri Burin des Roziers s’envole pour le Brésil où il embrasse la cause des paysans sans terre opprimés par les latifundistes et se consacre à la lutte contre l’esclavage moderne. Au fin fond de l’Amazonie, le frère dominicain redonne voix aux démunis et grâce à l’équivalence de ces diplômes, devient « l’avocat des sans terre ». Il traîne devant les tribunaux les puissants qui jusqu’ici bénéficiaient d’une totale impunité. « Les injustices le révoltaient, mais ce n’était pas un révolutionnaire. Il croyait dans les institutions », raconte son ami médecin Claude Billot qui salue son « immense courage ».
De courage, Henri Burin des Roziers n’en manquait pas. En 2005, alors que la religieuse américaine Dorothy Stang vient d’être assassinée, sa tête est mise à prix par les tueurs à gage à la solde de « fazendeiros », les grands propriétaires terriens. « Au moment de son assassinat, Dorothée valait 50 000 réals et moi, on m’évaluait à 100 000 réals. Le gouverneur de l’Etat m’a imposé une protection. Je n’ai pas pu refuser pour ne pas être expulsé », décrit-il dans Comme une rage de justice (éd. du Cerf, 2016).
« Il n’a jamais eu peur », se souvient Xavier Plassat, dominicain membre de la CPT, qui continue le combat d’Henri Burin des Roziers au Brésil. « Henri était un mélange d’indignation et d’extrême compassion, poursuit le frère Plassat. Un jour qu’il était venu rendre visite à un paysan battu pour avoir refusé de quitter la terre qu’il occupait, il s’est mis à pleurer en voyant l’homme étendu dans le commissariat puis nous a dit : “On se demande parfois où est Dieu. Voilà, le Christ est devant nous’’. » « Sa vie était en cohérence parfaite avec ses idées », ajoute sa nièce Aude Ragozin, qui évoque un homme attentionné et plein d’humour.
Chevalier de la légion d’honneur, Henri Burin des Roziers avait reçu en 2005 le prix international des droits de l’homme Ludovic-Trarieux. Depuis la France, où il était revenu en 2013 à la suite de problèmes de santé, le frère continuait de suivre l’actualité brésilienne. L’arrivée au pouvoir de Michel Temer, en 2016, otage du lobby de l’agro-négoce le désolait. « Tout est à refaire », aurait-il soufflé récemment.
Henri Burin des Roziers en cinq dates
18 février 1930 Naissance à Paris
1971 Prêtre-ouvrier à Besançon puis Annecy
1978 Rejoint le Brésil
2005 Reçoit le Prix international des droits de l’homme Ludovic-Trarieux
26 novembre 2017 Mort à Paris
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