Il y a aujourd’hui aux Etats-Unis un véritable appétit pour une politique de gauche

Charlie Hebdo – 29/11/2017 – Propos recueillis par Jacob Hamburger – Extraits –
Professeur de science politique à l’université Temple de Philadelphie, Joseph Schwartz est aussi vice-président des Democratic Socialists of America (DSA), la principale organisation socialiste des Etats-Unis. Cette formation, qui a connu plusieurs succès lors des scrutins locaux du 7 novembre 2017, se prépare pour les élections de mi-mandat de l’n prochain. Et si la gauche américaine bougeait encore ? 
Charlie Hebdo  : Qu’entendez-vous par « socialisme démocratique » dans le contexte américain ?
Joseph Schwartz : C’est l’extension de la démocratie politique dans toutes les sphères de notre société, dont l’économie te la culture. On met l’accent sur l’idée fondamentale de la social-démocratie qui considère l’accès universel aux services publics comme un droit social. Pour le moment, c’est Bernie Sanders qui revendique cette tradition. 
  C.H. : Est-ce, après la campagne de Sanders et la défaite de Hillary Clinton, le bon moment pour être un socialiste démocratique ?
J. S.  : C’est compliqué. Il ne faut pas oublier que les républicains réactionnaires tiennent les trois branches du gouvernement fédéral, ainsi que la majorité du gouvernement des Etats. En même temps, avant 2016, DSA n’avait que quelques centaines de membres. Aujourd’hui, nous sommes plus de 30 00. Sanders nous a beaucoup aidés. Quand il se disait « socialiste démocratique », les gens allaient voir sur Google pour savoir de quoi il s’agissait et ils nous ont trouvés. Mais c’est l’attitude de Trump qui a vraiment incité les gens à nous rejoindre. Le jour où l a annoncé son « muslim ban« , en janvier dernier, l’inscription de nouveaux adhérents a fait un bond. 
Les années Reagan ont été très difficiles pour notre mouvement qui est fortement lié aux syndicats. Et avec Bush, l’esprit de 11 septembre et la domination de la droite ont rendu très difficile l’opposition à la guerre, voire l’expression de positions de gauche tout court. Mais la crise économique, avec la « Génération Occupy Wall Street » et le début d’un rejet progressif du néolibéralisme nous a aidé à reconstruire le mouvement. Ce fut le commencement.
C.H. : Le 7 novembre dernier, la gauche a connu de très nombreux succès aux élections locales et municipales. Plusieurs membres de DA ont été élus. S’agit-il d’une acceptation croissante des idées socialistes aux Etats-Unis ? 
J. S. : Nos candidats n’ont pas caché qu’ils étaient des socialistes démocratiques. Les opposants républicains ont essayé de les attaquer pour cela. Un de nos candidats qui a été élu en Virginie s’est vu peint sur une affiche à côté de Staline et de Mao. Cette vieille tactique américaine de red-baiting (tirer à boulets rouges…) n’a cette fois pas handicapé le candidat DSA. Je pense qu’aujourd’hui les gens se rendent compte qu’on ne peut pas avoir une société qui fonctionne sans garantir les droits sociaux. Le programme social-démocrate, un New Deal de gauche, ça parle à de nombreux américains qui ont vu leur salaire baisser. Et à l’échelle locale, on a eu beaucoup de succès en évoquant l’équité dans l’éducation, le coût des loyers et l’embourgeoisement urbain des quartiers au détriment des moins favorisés.
C.H. : Avant l’élection de Reagan, la droite avait passé des décennies à créer un mouvement à tous les niveaux de la société. Est-ce que les socialistes démocratiques sont en train de faire quelque chose d’analogue ?
J.S. : Evidemment, nous ne sommes pas aussi influents que les mouvements de droite l’étaient à la fin des années 1970. mais il y a des réseaux d’organisations de gauche  à l’échelle locale qui sont en train de se transformer en un courant national. DSA se voit comme un médiateur entre ces groupes, surtout dans les régions où l’organisation est forte, comme la côte Est où la zone autour de San Francisco. Mais il est bien certain que pendant toutes ces dernières décennies, la gauche socialiste et ses alliés ont été plus ou moins absents du champ politique.
C. H. : Trump est pouvoir, les républicains travaillent à saborder encore plus les services publics, et la planète ne cesse de se réchauffer. N’est-il pas déjà trop tard ?
J. S. : C’est une question qu’on se pose. A mon avis, la politique de Trump n’est pas du tout sûre de définir l’identité de la droite sur le long terme. Les républicains continueront, comme ils le faisaient bien avant Trump, d’exprimer des idées racistes, et la politique libérale aura du soutien au sein des deux principaux partis. Mais on n’aura pas un nouveau régime autoritaire et trumpiste. Je pense, au contraire, qu’au moment de l’élection de 2020, et peut-être déjà en 2018, la politique américaine sera prête pour une transformation profonde. Il y a aujourd’hui un véritable appétit pour une politique sociale-démocrate. Il s’agit désormais de reproduire le succès des campagnes récentes et de renforcer la crédibilité de cette politique. 

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