Maria de Jesus Patricio, guérisseuse nahua de 53 ans, veut être la première femme indigène candidate à l’élection présidentielle.
LE MONDE | 10.12.2017 | Par Frédéric Saliba (Mexico, correspondance)
Maria de Jesus Patricio, candidate à la présidence du Congrès national indigène, fait campagne avec une escorte de femmes indigènes masquées dans le fief zapatiste d’Oventic, dans l’Etat du Chiapas, dans le sud du Mexique, le 19 octobre. Eduardo Verdugo / AP
« C’est l’heure des peuples autochtones et des femmes ! », martèle à chacun de ses meetings Maria de Jesus Patricio, candidate indienne à l’élection présidentielle mexicaine de juillet 2018.
Cette guérisseuse nahua de 53 ans n’a pas été désignée par hasard pour défendre les 16 millions d’Indiens du Mexique, les plus nombreux des Amériques, dont les droits sont bafoués depuis des siècles. Mais celle qu’on surnomme « Marichuy » semble déjà victime de discriminations électorales qui pourraient l’empêcher d’être en lice lors du scrutin.
De passage à Mexico, début décembre, Marichuy a reçu la presse en jean et sandales en cuir tressé dans la maison coloniale défraîchie qui lui sert de QG de campagne. Cette femme calme et réservée ne porte ni bijoux ni maquillage. Pour seul apparat, elle arbore une blouse brodée de sa communauté de l’Etat de Jalisco (ouest).
D’une voix douce mais ferme, la candidate indépendante dresse un portrait alarmant de son pays, où sept Indiens sur dix sont pauvres. « Le système capitaliste promettait le développement. Nous n’avons reçu que l’exploitation, la discrimination et la répression. Les mégas projets miniers ou pétroliers, qui déboisent et polluent, dépossèdent les peuples originaires de leurs terres avec la complicité du gouvernement. »

/ AFP / PEDRO PARDO
« Servir et pas se servir »
Mais la première femme indienne à briguer la présidence du Mexique ne s’adresse pas qu’aux siens. Le 28 novembre, elle a appelé des milliers d’étudiants de l’Université nationale autonome de Mexico (UNAM) à rejoindre sa cause. « Notre colère doit servir à reconstruire une société juste, libre et démocratique », a-t-elle martelé dans ce bastion de l’extrême gauche et des mouvements féministes.
Dans la foule, quelques passe-montagnes et de discrètes affiches rappelaient que sa candidature est soutenue par l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), longtemps dirigée par le sous-commandant Marcos. Pourtant, Marichuy n’est pas issue des rangs de l’EZLN. Membre du Congrès national indigène (CNI) depuis sa création en 1996, elle a été désignée candidate, le 28 mai, par les représentants de 52 peuples indiens du Mexique. Une initiative inédite, permise par une réforme constitutionnelle autorisant, depuis 2014, les candidatures indépendantes.
Celle qui refuse de dire « je » ne se présente pas comme « candidate » mais comme « porte-parole » du Conseil indigène de gouvernement (CIG), créé par le CNI juste avant sa désignation : « Ma voix porte celle de ce collectif de peuples autochtones, dont font partie les zapatistes. » Marichuy n’a pas de programme, si ce n’est celui de rompre avec le système des partis.
« Notre projet sera défini en consultant nos bases », précise-t-elle avant de s’appuyer sur les sept principes du CIG : « Servir et pas se servir, construire et ne pas détruire, obéir et ne pas commander, proposer et ne pas imposer, convaincre et ne pas vaincre, descendre et ne pas monter, représenter et ne pas usurper. » Sa personnalité modeste contraste avec les hommes politiques classiques. « Eux cherchent à accéder au “Mexique d’en haut” alors que nous cherchons à renforcer le “Mexique d’en bas”, victime des discriminations. »
« C’est en ressentant la faim qu’est née ma colère, en voyant les patrons accumuler toujours plus de terres », explique Maria de Jesus Patricio