Déchets nucléaires : Bure est infaisable, disent-ils

Le Canard Enchaîné – 20/12/2017 – Jean-Luc Porquet –
Ce fut la seule annonce solide du One Planet Summit : EDF lance un plan solaire « d’une ampleur sans précédent en Europe ». Le champion du nucléaire compte mettre 25 milliards sur la table d’ici à 2035 pour installer des panneaux solaires.
Bravo ? faisons un petit calcul. Au moins 50 milliards pour le grand carénage destiné à prévenir un nouveau Fukushima en France. De 1 à 4 milliards par réacteur pour prolonger leur exploitation après 40 ans de service. Un milliard, au minimum par réacteur, pour le démantèlement. De 15 à 20 milliards pour le projet Hinkley Point en Angleterre. Et 35 milliards, au bas mot, pour l’enfouissement des déchets à Bure. Total : pour le (ruineux) nucléaire, il va falloir dépenser au moins 200 milliards dans les 20 années à venir. La « conversion » (sic) d’EDF au solaire est donc toute relative…
Revenons à Bure. Nicolas Hulot l’a dit récemment : en ce qui concerne les déchets nucléaires, la solution qui consiste à les y enfouir dans un grand trou et reboucher est « la moins mauvaise ». Au contraire, affirment plusieurs spécialistes, dont Benjamin Dessus, Bernard Laponche et Bertrand Thuiller (1), « C’est la plus mauvaise », et ce pour au moins quatre raisons.
1- Les risques d’explosion : les colis de déchets dégagent de l’hydrogène. Il va falloir ventiler en permanence les 265 kilomètres de galeries pendant toute la durée du chantier, soit un siècle. Et prier pour qu’aucune panne de courant ne survienne, car au-dessus de 4 % d’hydrogène dans l’air, ça pète.

2 – L’irréversibilité : prétendument réversible, l’enfouissement ne l’est pas. Les colis de déchets hautement radioactifs sont en effet stockés dans des alvéoles dont la longueur, pour des raisons de coût, a été portée à 130 mètres. Comment aller récupérer un colis défectueux au fond de pareille cavité ? Impossible. Et Laponche de prôner un « stockage à sec en subsurface », comme en Allemagne. Des conteneurs dans des hangars, une colline par dessus, le tout accessible et vraiment irréversible.
3- L’inconnu : normalement un projet de cette ampleur démarre par un test sur un pilote à petite échelle. Ici, désireux de montrer à la terre entière qu’ils savent faire et que régler le problème des déchets radioactifs c’est facile, les nucléocrates veulent mettre en route sans essais préalables la plus grosse poubelle radioactive de monde. « Mieux vaudrait tester un pilote industriel sur cent ans« , conseille Laponche. Ce prototype doit en effet tenir mille ans et plus. Pourquoi se précipiter ?
4 – La sécurité : pour la première fois, ce jeudi 14, lors de son audition à l’Assemblée nationale, le patron de l’ASN s’est inquiété de possibles « actes de malveillance » à Bure. Comment fliquer ce chantier hautement sensible – qui, rappelons-le, durera un siècle, où interviendront des milliers de personnes et d’engins ? Bure est infaisable, répète Laponche.
Bah ! Commençons, et on verra ensuite, comme à Notre-Dame-des-Landes…
 (1) Lire leurs commentaires publiés sur le site de l’ ASN (qui vient de critiquer durement la sûreté de Bure)
Déchets nucléaires : la poudrière du site de Bure  (Le Parisien – 24/10/2017)

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
Cet article, publié dans Ecologie, Energie, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.