Notre-Dame des Landes : crash annoncé

AgoraVox – 21/12/2017 – Michel Drouet – 
 Cinquante ans que ce projet d’Aéroport du Grand Ouest destiné à remplacer l’aéroport existant de Nantes Atlantique a vu le jour. Cinquante ans d’études, d’envolées lyriques, d’argent dépensé pour des études, et pour finir une consultation populaire croupion après laquelle on décide d’installer une nouvelle mission de médiation : la dernière ?
Aéroport, projet d’urbanisme, projet pour le grand ouest, ou mégalomanie politique ?
Remis en début de mois à l’exécutif, la lecture de ce document s’avère passionnante. Tout y est, l’historique du projet, les personnes et organismes consultés, les avis techniques, les questions de coût… mais ce qui est vraiment intéressant, c’est de découvrir qu’au-delà de la question aéroportuaire se trouve une question centrale, celle de l’urbanisme à Nantes et au-delà de Nantes si Notre-Dame des Landes se faisait.
Ce rapport nous dévoile aussi le lobbying intense des grands élus des deux régions, Pays de la Loire et Bretagne, toutes collectivités confondues, notamment en Ille et Vilaine et Loire Atlantique, ce qui nous donne à observer quelques positionnement d’élus pour le moins surprenants (faites ce que je vous dis lorsque je suis le Maire, même si je fais moi-même le contraire lorsque je suis le représentant d’une Métropole siégeant au sein du syndicat mixte pro aéroport).
Quant aux aspects « développement économique » vendus par les promoteurs de NDDL, on sait que ce genre d’affirmation est très illusoire et que pour faire venir de nouvelles activités dans les régions concernées, le contribuable devra encore mettre la main à la poche…

La croissance du trafic
La question de la croissance du trafic est centrale dans cette étude et les membres de la mission l’abordent avec pragmatisme en disant que les prévisions au-delà de 2040, « semblent relever de peu de sens » étant entendu que cette croissance du trafic est notamment bornée par celle des compagnies low-cost qui atteindra un point de saturation à cette date. Ajoutons qu’une partie de la clientèle des compagnies low-cost devrait diminuer dans les années à venir sous l’effet de l’allongement de l’âge de départ en retraite et de la diminution des ressources des retraités. Ajoutons également que certains pays ne sont pas sûrs et que des attentats peuvent déséquilibrer leurs économies touristiques.
Pour conforter cette approche, on notera qu’en 1992, une étude menée par les chambres consulaires disait que : « L’évolution du trafic constaté rend le transfert inéluctable (de l’aéroport actuel) à terme, c’est-à-dire à l’horizon 2010 », ce qui bien sûr ne s’est pas réalisé.
Autre point capital dans le rapport, celui de la croissance de « l’emport » moyen par avion, c’est-à-dire l’utilisation d’avions de plus grande capacité qui aboutit à un nombre de mouvements d’avions plus limité, ce qui fait que dans les études et la communication faites autour du projet de nouvel aéroport, c’est le nombre de mouvements d’avions qui est primordial avant celui du nombre de passagers dont les infrastructures d’accueil (aérogare) peuvent être adaptées, ce qui redonne du sens à un réaménagement de l’aéroport existant à Nantes au lieu d’en construire un neuf à NDDL.
Nouvel aéroport ou réaménagement de l’existant ?
Sur le sujet des surcoûts liés à l’aménagement de l’aéroport actuel, la commission s’est livrée à un travail très précis sur les besoins nécessaires et les coûts d’aménagement, et là la surprise est de taille puisque de 825 Millions d’euros (étude DGAC 2013), nous passons à une fourchette qui se situe entre 415 et 545 Millions d’euros, ce qui rend l’aménagement très compétitif par rapport à la création d’un nouvel aéroport.
S’agissant de développement durable (exposition au bruit, Lac de Grandlieu en bout de piste de l’aéroport actuel) d’urbanisme, d’étalement urbain, d’enjeux de mobilité, d’agriculture,… la mission détaille ces points un par un et apporte des réponses, qui, si elles ne satisferont pas tout le monde (en particulier les voisins de l’aéroport actuel), lèvent bon nombre d’hypothèques sur lesquelles les partisans d’un nouvel aéroport ne s’étaient pas attardés outre mesure.
Pas plus que sur l’impact de ce nouvel aéroport sur celui de Rennes (distant de 100 Km de NDDL) dont M. Castaner, un jour de grande franchise, avait parlé de suppression, à terme, ce qui pose la question de la consultation populaire organisée dans le seul département de Loire Atlantique.
La sainte alliance
 Pourquoi des élus venus de tous horizons politiques se sont-ils retrouvés dans ce projet de nouvel aéroport ? La réponse est simple : un élu pour pouvoir exister et passer dans l’histoire a besoin de « grands projets », de ceux qui font rêver le bon peuple et qui laisseront une trace matérielle.
L’essentiel est d’être sur la photo le jour de l’inauguration et de posséder un bout de ruban tricolore qui le fera passer pour un héros auprès de ses petits-enfants.
C’est vrai, quoi, que demande-t-on à un élu au sein d’une collectivité territoriale aujourd’hui ? Rien de bien passionnant : gérer les collèges ou les lycées, la réfection des routes, l’entretien des ports et les aides aux personnes âgées ou aux handicapés, ou bien encore le ramassage des ordures ménagères. Rien, à côté du grand projet qui le fera passer à la postérité, même si cela se fait au prix de contorsions politiques, d’arrangements avec la réalité, voire de grands écarts et de budgets qui explosent.
Les régions Pays de Loire et Bretagne ainsi que les départements composant cette région et le Département d’Ille et Vilaine se retrouvent dons ensemble dans le Syndicat mixte aéroportuaire du grand ouest qui promet monts et merveilles si NDDL se fait.
Pensez-donc, 3500 emplois, un effet de booster sur l’économie, un projet bénéfique pour l’environnement (si, si !), même si cela consiste à supprimer plus de 1000 ha de terres agricoles, un « projet pour l’avenir » (qui donnera des opportunités foncières pour Nantes si on supprime l’aéroport actuel) ! Champagne pour tout le monde !

Et si l’argent prévu était mis dans des politiques du quotidien, par exemple l’effacement des passages à niveau dangereux, la réfection du réseau routier qui se dégrade ou bien dans la création d’emplois dans les maisons d’accueil des personnes âgées en sous-effectif ? Ce serait trop simple pour ces esprits visionnaires qui ont toujours un coup d’avance mais qui méprisent ceux qui les ont élus.
Un dernier exemple de cette vacuité politique, pour la route…
Parmi les membres du Syndicat Mixte pro aéroport se trouve le Vice-Président de Rennes Métropole en charge des transports, par ailleurs conseiller municipal d’un commune de la périphérie Rennaise.
Lors de l’examen du Plan Local d’Urbanisme, les habitants de cette commune ont eu la désagréable surprise de voir figurer dans ce plan des immeubles de 4 ou 5 étages dans des dents creuses de zones pavillonnaires et du bourrage urbain au nom de la « rénovation urbaine », avec un argument massue, celui de la « préservation des espaces agricoles ».
Il faut dire que Rennes Métropole a signé avec la Chambre d’Agriculture une convention fort peu contraignante pour les agriculteurs (notamment en matière de pesticides) mais obligeante pour les collectivités.
Dans le même temps, ce même élu au titre de membre du syndicat mixte propose la destruction de 1000 ha pour l’aéroport de NDDL. Allez comprendre
Et quand on lui demande si des mesures en matière de transports sont prévues suite à la densification de la population en zone périurbaine, les réponses se situent au niveau des « déplacements doux » (vélo, marche à pied ou applications pour le covoiturage), jamais de l’extension de transports en site propre (« ça ne marche pas », entendez : « ça coûte trop cher »).
Voilà un très bel exemple de grand écart de politiques plus soucieux de leur image que de réelle efficacité et de démocratie locale et plutôt que de parler d’étiquettes politique il sera certainement plus évocateur de parler d’élus Médef, BTP, ou FNSEA. Voilà ce qui se passe et si le Président de la République devait entériner le projet de Notre Dame des Landes, ce serait un vrai scandale.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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