Politique Vaticane – Le vœu pieux de la réforme du Vatican : « Faire des réformes à Rome c’est comme nettoyer le Sphinx d’Egypte avec une brosse à dents »

Un cardinal proche du pape est mis en cause, tandis que François tance de nouveau la curie.
Le Monde | 23.12.2017 | Par Cécile Chambraud
Lancée voici quatre ans, la réforme de la curie donne le sentiment d’avancer à pas comptés, et parfois même à reculons. A l’occasion des vœux de Noël, François ne se prive pas de lui reprocher ses insuffisances. En décembre 2014, son discours avait ainsi tourné au supplice pour les prélats assis devant lui. Il leur avait décrit les quinze « maladies » dont ils seraient parfois atteints, comme « l’Alzheimer spirituel », la « pétrification mentale » ou encore la « maladie du profit mondain ».

(Claudio Peri/pool photo via AP)

Le pape a récidivé cette année. « Faire des réformes à Rome, c’est comme nettoyer le Sphinx d’Egypte avec une brosse à dents », a-t-il commencé par leur dire, jeudi 21 décembre, en citant un prélat belge du XIXe siècle au service de Pie IX, Xavier de Merode. Puis il s’en est pris à « ceux qui trahissent la confiance » et aux auteurs de « complots ». Parlant du « service » dû par les responsables de l’Eglise et de la « communion d’obéissance filiale » nécessaire dans la curie, il les a appelés à « dépasser cette logique déséquilibrée et dégénérée des complots et des petits cercles qui, en réalité, représentent – malgré toutes leurs justifications et leurs bonnes intentions – un cancer ».
« Martyrs du système »
Ses auditeurs n’auront eu aucun mal à reconnaître l’une des principales cibles de son courroux. L’image du cardinal Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (l’un des plus hauts dignitaires du Vatican) remercié par François en juillet et qui le critique depuis lors dans la presse, s’est en effet profilée derrière sa diatribe.
Le pape a parlé « de ceux qui trahissent la confiance (…)
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Le pape a parlé « de ceux qui trahissent la confiance (…) , des personnes qui sont choisies soigneusement pour donner une plus grande vigueur au corps et à la réforme mais (…) se laissent corrompre par l’ambition ou par la vaine gloire ; et lorsqu’elles sont délicatement renvoyées, s’auto-déclarent faussement martyrs du système, du “pape qui n’est pas informé”, de la “vieille garde” au lieu de dire le mea culpa ».
Ses auditeurs auront peut-être perçu un soupçon de menace lorsque François a ensuite évoqué ceux « qui travaillent encore à la curie, à qui l’on donne tout le temps pour reprendre le juste chemin ». Entre le pape et les opposants à la réforme, l’épreuve de force continue.
Simple coïncidence ? Un cardinal membre du « C9 », le conseil de neuf prélats dont s’est entouré le pape François pour réformer la curie romaine, fait l’objet d’accusations graves. Alors que le cardinal George Pell, « ministre de l’économie » du Vatican, est en Australie depuis juin pour répondre devant la justice de « délits d’agressions sexuelles anciennes » pour lesquels il a été mis en examen, le site de l’hebdomadaire italien L’Espresso a affirmé, vendredi 22 décembre, que le cardinal hondurien Oscar Maradiaga aurait touché pendant des années environ 35 000 euros par mois de l’université catholique de Tegucigalpa – et près d’un demi-million d’euros pour la seule année 2015.
C’est ce qu’établirait le rapport d’un évêque argentin, auquel le pontife aurait confié cette enquête en mai, rapport dont François aurait pris connaissance. Vendredi, le porte-parole du Vatican, Greg Burke, a « confirmé qu’il y a eu une enquête voulue en personne par le Saint-Père ». Il n’a opposé aucun démenti aux informations de L’Espresso.
Selon le journal italien, ces paiements auraient eu lieu pendant une dizaine d’années. En outre, le cardinal Maradiaga aurait investi des sommes importantes dans des fonds à Londres et transféré d’autres sur des comptes allemands, où une partie aurait disparu. L’Espresso met aussi en cause les dépenses d’un évêque auxiliaire de Tegucigalpa, qui ont financé des cadeaux à un ami proche. Le site évoque encore d’autres dépenses inexpliquées. Le prélat mis en cause a démenti, en parlant de « calomnies ».

 December 22, 2017. / AFP / Filippo MONTEFORTE

Oscar Maradiaga, en 2013 au Vatican. FILIPPO MONTEFORTE / AFP
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Le cardinal Maradiaga aura 75 ans le 29 décembre, âge auquel les prélats remettent leur démission au pape qui décide, ou non, de l’accepter. Selon L’Espresso, François « est très triste, mais également déterminé à découvrir la vérité » sur ce proche à qui il a confié la coordination du C9, avec mission de l’aider à mener la difficile réforme de la curie romaine.
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