Le plan secret du gouvernement pour durcir le contrôle des chômeurs

Le Canard Enchaîné – 27/12/2017 – Jérôme Canard –
Doublement des sanctions, obligation de remplir un rapport d’activité, surveillance renforcée : les demandeurs d’emploi vont trinquer.
Pour le fêtes, Emmanuel Macron n’a pas oublié les demandeurs d’emploi. Ainsi entend-il leur témoigner son affection dès l’entame de 2018. Mais c’est de l’amour vache. Dans un document de travail envoyé le 14 décembre aux partenaires sociaux, le gouvernement avait prévenu : il leur proposerait : « une réforme du barème et des modalités de sanction [ de certains demandeurs d’emploi ] dans les semaines qui viennent« . Cela s’annonce musclé.
« Le Canard » s’est procuré la note confidentielle sur laquelle travaille Antoine Foucher, un ancien du Medef et le directeur du cabinet du ministre du Travail, Muriel Pénicaud. En matière contrôle des chômeurs, un durcissement des sanctions se profile bel et bien.
Actuellement, en cas de recherche d’emploi insuffisante, de refus d’une action de formation ou d’une aide pour trouver le fameux job, le chômeur se voit, théoriquement, infliger une réduction de 20 %  de son allocation chômage, pour une durée de deux à six mois. En cas de manquements « répétés », elle passe de 50 % pour la même durée. « Mais, dans les faits, les sanctions pour ce type de manquements sont très réduites« , assure un syndicaliste.
Surveiller et punir
La nouvelle réforme concoctée par le ministère du Travail promet une addition autrement sévère. Si Pôle emploi estime que le chômeur ne recherche pas assez activement du travail, où s’il refuse une formation, ou encore s’il décline deux offres d’emploi jugées raisonnables, ses allocations seront d’emblée réduites de 50 % pour une durée de deux mois ! S’il récidive, elles seront carrément supprimées, pour la même durée de deux mois.
La note étudiée par le ministère du Travail se garde bien de préciser ce qui caractérise « une insuffisance de recherche d’emploi » ou « une offre d’emploi raisonnable« . Sûrement des détails…
Deuxième innovation évoquée dans cette note : les chômeurs – ces présumés fainéants – vont devoir rendre des comtes, et serrés. Chaque demandeur d’emploi sera donc bientôt tenu de remplir un rapport d’activité mensuel, listant l’ensemble des démarches effectuées pour favoriser son retour à l’emploi. L’occupation risque de s’avérer déprimante.
L’idée est directement inspirée par… Pierre Gattaz. Lors d’une conférence de presse, le 17 octobre, le président du Medef suggérait l’exercice d' »un contrôle journalier » des chômeurs. Avant de nuancer « Journalier, hebdomadaire ou mensuel, c’est un truc (sic) qu’il faut débattre. »
Le Medef exaucé
Le « truc » fait partie des idées phares du gouvernement pour mesurer l' »intensité de la recherche d’emploi » de ceux qui n’en ont pas. L’objectif est d’aider les équipes chargées du « contrôle de la recherche effective d’emploi » au sein du Pôle emploi à détecter les chômeur(euse)s dont le rapport d’activité leur paraîtrait trop mince. Et, pour faciliter la tâche des contrôleurs – qui sont aujourd’hui 200 -, Le gouvernement va multiplier les effectifs par cinq en cinq ans, comme il l’a annoncé. En voilà des jobs nouveaux !
Et si les chômeurs oublient de remplir leur rapport d’activité ? Hop ! c’est la radiation expresse… Qui a dit qu’il n’existait pas de moyen simple, efficace et humain d’inverser la courbe ?
L’agenda surchargé des syndicalistes
Dans sa grande bonté, le gouvernement, pressé par les partenaires sociaux, a accepté d’ouvrir des négociations sur la réforme de l’assurance-chômage.
Les huit organisations syndicales et patronales ne disposeront ainsi que de six semaines, du 11 janvier au 15 février, pour formuler des propositions sur les grands thèmes de la réforme : de l’extension de l’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants à la lutte contre le travail précaire, en passant par la question du contrôle des demandeurs d’emploi et celle de la gouvernance de l’Unédic. Ouf ! Si l’exécutif entendait se réserver les deux derniers sujets, les syndicats ont finalement réussi à s’inviter dans le débat. Mais, en matière de contrôle des chômeurs, le gouvernement est absolument décidé à … garder le contrôle.
Pour les partenaires sociaux, la tâche s’annonce enfantine : aboutir à un accord dont les dispositions alimenteront le projet de loi que le gouvernement souhaite déposer au printemps, lequel projet sera également consacré à la réforme de la formation et de l’apprentissage.  Mais, vu que le gouvernement semble déjà disposer d’un plan tout prêt, les « négociations » risquent d’être simplifiées…

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