Hôpitaux : le conte de Noël de la ministre de la Santé

Le Canard Enchaîné – 28/12/2017 – Isabelle Barré –
En guise de cadeau de Noël, le personnel des hôpitaux, à bout de souffle, a eu droit à un doux vœu de la ministre de la Santé. « Je pense qu’on ne peut pas baisser les effectifs des soignants« , a déclaré Agnès Buzyn au micro de Sud Radio, le 19 décembre, car les équipes « sont sous d’énormes tensions » et font « un métier très difficile« . Un euphémisme, au regard de la diète imposée aux Hostos par le nouveau gouvernement !
Sous Hollande, ces trois dernières années, les hôpitaux ont déjà réalisé 1 milliard d’euros d’économies par an. 2018 s’annonce encore plus festive : le budget de la sécu, voté à l’automne, leur impose 1,6 milliard d’économies. « Du jamais vu« , selon la Fédération hospitalière de France, pour laquelle la « ligne rouge » a été franchie. 
Le 20 décembre, au lendemain de la touchante déclaration de Buzyn, la direction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) présentant en comité technique d’établissement un document plutôt détonant. L' »EPRD 2018″ (l’état prévisionnel des recettes et des dépenses), que « Le Canard » » a pu consulter, confirme ce qui était dans les tuyaux : l’AP-HP prévoit de supprimer 180 FTP (équivalents temps plein) en 2018. Auxquels il faut ajouter, estiment les syndicats, une centaine de CDD qui ne seront pas renouvelés. « Et, vu les prévisions de dépenses, ce sera pareil à chaque année jusqu’en 2022« , pronostique Olivier Youinou, du syndicat SUD-Santé.
Sirènes hurlantes
Impossible à avaler après les milliers de postes supprimés ces dernières années. « On nous présente un plan social qui va durer cinq ans, c’est un scandale ! » s’indigne Rose-May Rousseau, élue CGT au conseil de surveillance. Soucieuse de chouchouter le personnel, la direction parisienne prévoit aussi, selon le document, « une baisse de l’intérim » à hauteur de 30 millions d’euros« . Résultat : « les salariés vont marner comme des malades« , soupire un autre syndicaliste. 
Même potion au sein des deux autres plus gros CHU de France : à Lyon, la direction prévoit de supprimer 169 emplois dès 2018. A Marseille, de 800 à 1 000 postes sont menacés sur cinq ans. Nullement rassurés par la déclaration d’Agnès Buzyn, les mandarins des hostos marseillais ont manifesté le 21 décembre aux côtés des syndicats. « On est à l’os » prévient le président de la commission médicale. Depuis des semaines, les conflits se multiplient à Toulouse, Valence, Caen, Grenoble, Nice, Clermont-Ferrand…
Urgences au ralenti
A Rennes, l’hôpital psychiatrique Guillaume-Régnier se trouve ne grève continue depuis le 7 novembre. Il réclame 15 postes supplémentaires et aimerait cesser de faire du « gardiennage » de patients. A Cherbourg, les urgences débrayent depuis le 13 décembre. Dans ce service saturé, les infirmiers enchaînent les heur sup et un poste va encore être sucré. A Lorient, à plusieurs reprises en décembre, des malades se sont retrouvés serrés comme des sardines à deux dans une chambre individuelle : un lit plaqué contre la fenêtre, l’autre contre la porte des toilettes…
A Nantes, des salariés chargés du nettoyage ont fait grève le 18 décembre : certains forçats doivent briquer 900 m2 en quatre heures, d’autres ont une nuit pour désinfecter huit blocs opératoires ! « L’hôpital est devenu fou, s’alarme la docteure Nicole Smolski, du syndicat Avenir hospitalier. On est arrivé au bout d’un système. La ministre le reconnaît, mais je ne suis pas sûre qu’elle fasse le même diagnostic qu’elle sur les solutions. »
Une diète record, ce n’est pas le bon remède ?

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