Soyons les « chimpanzés du futur » !

L’âge de faire – journal mensuel alternatif – janvier 2018 – Nicolas Bérard –
Dans un manifeste, le collectif « Pièces et main d’œuvre«  (âprement opposé à la « tyrannie technologique« …) prévient des dangers du transhumanisme qui tente de s’imposer au monde.
Peu connu en France, Kevin Warwick (photo ci-dessus) est parait-il une véritable star en Angleterre. Ce chercheur en cybernétique multiplie les expériences spectaculaires et médiatisées. il s’est notamment fait connaître à la fin des années 90 en s’implantant une puce électronique dans le bras, laquelle lui servait ensuite de clé d’accès automatisée à son laboratoire. Depuis, ses essais se sont complexifiés, et la frontière séparant l’homme de l’ordinateur s’est amincie. Il a ainsi relié des électrodes directement à son système nerveux afin de commander un fauteuil roulant par la pensée. dans un livre publié en 2002, celui qui se définit comme le premier « cyborg » de l’histoire raconte : « Au train ou vont les choses, c’est bientôt [l’ordinateur] qui prendra les décisions, pas nous. Si nous voulons conserver notre avantage, nous devons progresser au même rythme que lui. La technologie risque de se retourner contre nous. Sauf si nous fusionnons avec elle. Ceux qui déciderons de rester humains et refuseront de s’améliorer auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur. »
Les membres de pièces et main d’œuvre, (PMO) ont fait leur choix : ils sont et resteront des chimpanzés du futur, refusant de passer dans le camp des « inhumains ». A la lecture des 300 pages de leur manifeste, paru récemment (1), on se demande parfois si les auteurs n’en font pas trop. Les transhumanistes sont-ils vraiment si puissants ? Ne constituent-ils pas juste une petite bande d’allumés aimant jouer les docteurs Frankestein ? Comment un pouvoir, si puissant soi-il, pourrait-il imposer aux humains de « s’augmenter » contre leur gré ?
Le « soldat augmenté »
Le problème glaçant de cet ouvrage, c’est qu’il est très documenté, s’appuyant sur plus de 400 références. Or, les auteurs nous font apparaître, au fil des pages, un ensemble de forces qui convergent et poussent à l’accélération de ces technologies, tantôt en les rendant socialement acceptables, voire désirables, tantôt en les imposant plus ou moins frontalement. Un promoteur du transhumanisme a par exemple expliqué à l’occasion d’un colloque consacré au sujet que « 28 % des américains sont d’accord pour sélectionner un bébé plus intelligent… Et les autres ne tiendront pas longtemps s’ils ne veulent pas que leurs enfants soient les domestiques des premiers« .
De la même manière, l’armée étasunienne dépense des milliards de dollars « pour améliorer le corps et l’esprit des combattants. Et produire un « soldat augmenté«  ». L’Agence pour les projets de recherche avancée de défense des États-Unis (Darpa), qui mène ce programme, estime en effet que, comte tenu du haut degré de perfectionnement des armes actuelles, le soldat humain « devient le maillon faible » sur le champ de bataille. L’agence cherche donc les traitements adaptés, les béquilles technologiques à injecter dans les corps pour améliorer leur vue, augmenter leur résistance à la fatigue, faire disparaître la peur (2)…
Appel à résistance
Dans l’armée comme dans le civil, pour faire la guerre comme pour produire des objets de consommation, la logique sous-jacente est la même : « L’humain est l’erreur. trop fragile et capricieux. Ingérable. S’efface peu à peu la silhouette de Charlot, au fond d’une rue connectée de Smart City« . Le « techno-totalitarisme » tentera d’imposer la modification du corps, son « amélioration » pour accorder un emploi, autoriser un déplacement, etc. Y parviendra-t-il ? On n’est en tout cas pas à l’abri. « Essayez en 2018, de trouver un emploi sans téléphone portable ni adresse mail. » 
C’est un appel à résistance que lance PMO, intimant aux chimpanzés du futur d' »offrir à leurs petits du temps, du silence, des livres, de l’espace. [De] leur apprendre à faire confiance à leurs sens, leur mémoire, leur intelligence, aux échanges avec les humains, plutôt qu’à interroger leurs machines ». A ne rien céder de notre humanité, en somme. 
(1) Manifeste des chimpanzés du futur, de Pièces et main d’œuvre, septembre 2017,  Paru le 14 septembre 2017, 341 p. 20 euros. 

(2) –  lire :  La quête du soldat augmenté, Le Monde Diplomatique, septembre 2017.

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