Très populaire, l’épouse du chef de l’Etat veut, à l’instar de Claude Pompidou, faire entrer art et design au palais présidentiel.
Le Monde | 03.01.2018 | Par Solenn de Royernce
C’est devenu un rituel. Tous les soirs, ou presque, Brigitte Macron passe la tête dans le bureau de ses deux collaborateurs, Pierre-Olivier Costa et Tristan Bromet : « Allez hop, on y va ? » Et les voilà partis tous les trois pour un tour à pied dans Paris, pour « débriefer ».
La petite troupe élyséenne, parfois accompagnée de Némo, le labrador du président, marche à vive allure – pour éviter de se faire trop souvent alpaguer – et change souvent d’itinéraire, pour des raisons de sécurité. « Brigitte a un besoin vital de ne pas rester enfermée au palais, elle veut rester connectée au réel », explique le conseiller spécial à l’Elysée qui dirige son cabinet, Pierre-Olivier Costa.

Brigitte Macron October 18, 2017 in Paris, France
Brigitte Macron à l’ouverture de la Foire internationale d’art contemporain, le 18 octobre 2017, à Paris. JOSS LECLAIR / ALLPIX PRESS
Une méthode de travail que la première dame, dont les activités sont régies par une « charte de transparence » publiée le 21 août 2017 sur le site de l’Elysée, a imposée à ses équipes. Lors de ses premières échappées, ses conseillers la suivaient au pas de course, les bras chargés de dossiers. Ils n’ont finalement pris que leurs téléphones portables. « Une fois dans la rue, les sujets qui paraissaient très importants au bureau deviennent souvent futiles, s’amuse M. Costa. Ces promenades nous permettent de hiérarchiser, tout en s’oxygénant la tête. »
Depuis sept mois, Brigitte Macron a ouvert discrètement plusieurs chantiers. Le premier, qu’elle partage avec son mari, est culturel. Dans le sillage des Pompidou, les Macron souhaitent transformer l’Elysée en y faisant entrer art moderne et design. Ils recevront en janvier plusieurs directeurs de grands musées (Orsay, Louvre, Beaubourg, Picasso, etc.) pour étudier avec eux la possibilité de faire venir – de manière temporaire – des œuvres au palais. « Venez jeter un œil, on trouvera peut-être ensemble un moyen de valoriser vos collections et nos murs », leur a lancé la première dame. « Les Macron veulent faire de l’Elysée un petit Louvre d’Abou…
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« Les Macron veulent faire de l’Elysée un petit Louvre d’Abou Dhabi », explique un proche du couple. Une fois par mois, M. et Mme Macron organisent un « jeudi de l’Elysée » autour d’un musicien
Refaire la décoration
Brigitte Macron a déjà dépoussiéré et aéré la salle des fêtes du palais, fait retirer de lourdes tentures. Elle a fait appel au Mobilier national, mais aussi au Centre national d’art plastique et au Fonds national d’art contemporain, pour refaire la décoration de plusieurs salons. De son côté, le président a renvoyé au Mobilier national – pour rénovation – trois portraits (Charles de Gaulle, Georges Pompidou et François Mitterrand) qui ornaient les deux antichambres du premier étage.
Des « présidents morts », a-t-il candidement argué en jurant qu’il ne s’agissait nullement de faire tabula rasa, mais qu’il consacrerait bientôt une pièce entière du palais à ceux qui l’ont précédé. « Le président et son épouse ne veulent pas figer la décoration du palais, explique un proche. Lui veut que ce qui se passe à l’extérieur se voie à l’intérieur, qu’on tente d’échapper aux pesanteurs de la forteresse militaire. »
Cette appétence du couple pour l’art contemporain et le design se double d’une « fascination pour les artistes », selon leurs proches. Une fois par mois, M. et Mme Macron organisent un « jeudi de l’Elysée » autour d’un musicien. Début octobre 2017, le violoniste Renaud Capuçon a ainsi joué avec l’orchestre de la garde républicaine, devant quelque 200 invités (pupilles de la nation, élèves de ZEP, personnels hospitaliers et personnels de l’Elysée). « Depuis le général de Gaulle, il y a eu peu de concerts à l’Elysée, a introduit le chef de l’Etat. Nous voulions, avec Brigitte, renouer avec cette tradition. »

Women at the Elysee Palace. Paris, France – 25/11/2017/SIPA/
Des soirées « jamais people »
Au palais, où l’on veut éviter de prêter le flanc à la critique qui fut jadis adressée à Giscard, moqué pour son incarnation monarchique de la fonction, on s’empresse de préciser que ces soirées ne sont « jamais people », sans le « gratin parisien ». Le prochain « jeudi de l’Elysée » doit être bientôt organisé. « Le couple est très pompidolien, explique un proche. L’art n’est pas vécu comme un divertissement mais comme projet de transformation de la société. »
Dès qu’ils le peuvent, les Macron s’échappent au théâtre ou au cinéma, même si les contraintes de sécurité rendent délicates de telles sorties. Peu avant Noël, ils sont allés voir Le Sens de la fête, avec Jean-Pierre Bacri. Le cinéma de l’Elysée, étriqué et à la décoration désuète, leur sert peu. Le président préfère organiser des soirées avec 200 convives dans la salle des fêtes plutôt qu’un « entre-soi à vingt personnes », dixit un conseiller.
Par ailleurs, la première dame s’emploie à répondre à un abondant courrier (environ 150 lettres par jour), qui l’aide à détecter les sujets dont elle pourrait s’emparer. « Elle est attentive aux signaux faibles, aux petits dysfonctionnements qui peuvent paraître anecdotiques mais en disent long sur la société », expliquent ses proches.
Eviter les tapis rouges
Depuis sept mois, Brigitte Macron a multiplié les déplacements, la plupart du temps sans la presse. En marge de sa visite très médiatisée au panda du zoo de Beauval (Loir-et-Cher), en décembre 2017, elle s’est ainsi rendue plus discrètement dans un institut médico-éducatif à proximité. Elle a également visité le service de soins palliatifs pour enfants de l’hôpital Necker. Et une autre fois, a fait une halte dans un restaurant nantais dont la cuisine est assurée par des adultes trisomiques.
A la rentrée, la première dame s’emparera de la question du harcèlement à l’école. Elle souhaite aussi militer pour la construction d’aires de jeu accessibles aux handicapés ou de « maisons de répit », afin de soulager les parents ayant en charge un enfant atteint d’une pathologie lourde. « Le fil conducteur, c’est le handicap et les accidents de la vie, et la difficile intégration à la société qui en résulte », résume son chef de cabinet, Tristan Bromet.
Après Valérie Trierweiler, qui s’était cherchée au début du mandat de François Hollande, et Julie Gayet, qui n’a jamais eu d’existence officielle, Brigitte Macron semble avoir trouvé sa place. Paradoxalement, la discrétion est l’une des armes de cette ancienne professeure de français et de théâtre : alors qu’elle aime la compagnie des « people », Brigitte Macron prend soin d’éviter les tapis rouges, à Cannes ou pour les fashion weeks, consciente des dégâts que cela pourrait causer dans l’opinion. « Elle évite le show off », confirme un proche.

Brigitte Macron, ceremony of the panda born at the Beauval Zoo in Saint-Aignan-sur-Cher, France, December 4, 2017. REUTERS/Thibault Camus/Pool