Parti socialiste : le ballet du congrès

Le Canard Enchaîné – 17/01/2018 – Anne-Sophie Mercier –
Au PS, en déshérence, le nombre de militants s’amenuise. Mais pas celui des candidats au poste de premier secrétaire.
Jusqu’ici, au PS, il faut bien reconnaître que ce n’était pas trop la poilade. Ambiance de pré-déménagement sur fond de plan social, cartons qui traînent, rangs clairsemés, et des gars neurasthéniques les yeux fixés sur leur smartphone lors des réunions.  Pas un chat ou presque aux conf’ de presse et autres comptes rendus du bureau national. Une bonne tisane et au lit. Les petites histoires du PS, ça n’intéressait plus que Hollande, et ce gros matou de Camba. Susurrer des conseils, susciter des candidatures, mettre du sel sur les plaies,  : tirer les ficelles : c’est encore exister. Mais là, voilà que ça s’anime, rapport au congrès, prévu les 7 et 8 avril, qui permettra de désigner le futur boss. Déjà six candidats et il y en a pour tous les goûts.
Batho ivre de colère
Il y a le style maîtresse très sévère, pour lequel a opté la seule femme du groupe, Delphine Batho, qui vient de faire une entrée fracassante. « Delphine, elle a un relationnel compliqué » euphémisent ses copains du parti. C’est très exagéré. Quand elle s’est présentée à la direction du groupe parlementaire, il y a quelques mois, face à Olivier Faure, elle a obtenu trois voix. « Elle est députée depuis dix ans, et elle s’est fait tout juste trois potes, c’est fort« , rigole un vieux socialo. L’annonce de sa candidature dans « Le Parisien » a été l’occasion de régler ses comptes avec Hollande, mais aussi avec ses camarades, que la reine du « relationnel » qualifie de « petite mafia politique« , coupable de « traficotage« . La mère Fouettard des Deux-Sèvres n’est guère plus aimable avec Mélenchon, « symptôme de la régression politique de la gauche » – et coupable d' »une faute morale lourde » pour n’avoir pas appelé clairement à voter Macron. Au-dessus de tous ces nains, Delphine plane : elle est « une candidate libre ». Mais ça va filer droit. 
Luc Carvounas, c’est le candidat qui aime en baver. Il est vrai que le député du Val-de-Marne, qui a soutenu loyalement Hamon lors de la présidentielle, a été longtemps un proche de Manuel Valls. Ses petits camarades l’appellent gentiment « Monsieur Déchéance ». Luc serre les dents, ravale les larmes et promet qu’il assurera toutes les fêtes de la rose « même s’il n’y a que 20 militants ». Il fera le boulot, il gravira le Golgotha; d’ailleurs, karvounas, en grec, signifie « charbon ».
Julien Dray vient de mettre fin à un suspens insoutenable: le poste de premier secrétaire, il y pense « sérieusement« . Mais, pour rassurer les militants, qui ont vu sa patte dans toutes sortes de manips depuis trente ans, il joue la carte de l’humilité : présidence partagée – avec une femme, évidemment ! – et congrès annuel avec un droit de censure de militants. Le salut par la base. Dray se garde bien de formuler la moindre promesse. « Le PS peut redevenir utile » a-t-il lancé en annonçant sa candidature. et il se dévoue pour jouer les utilités. C’est beau.
Faure discret
Quant à Olivier Faure, « il est sympa, mais dans le fond on ne sait pas très bien ce qu’il pense » raconte un camarade. Le président du groupe à l’Assemblée a donc un atout de poids dans cette compétition. Bien sûr, il et dans l’opposition à Macron, mais il s’est abstenu lors du vote suivant le discours de politique générale d’Édouard Philippe. Et il a une petite tendance à recycler les formules des aînés du genre « redonner le désir de gauche« , ce qui a le mérite de ne braquer personne. Faure compte le plus de troupes dans le parti, d’où l’exaspération de Stéphane Le Foll, son grand concurrent du courant dit « majoritaire ».
Le Foll, soutenu par la vieille garde des hollandais canal historique joue la carte rustique : tendance marquée au coup de gueule, veste de garde-chasse, candidature annoncée dans « Le Maine libre », ton volontiers bourru. Son principal handicap est son lien avec Hollande, qu’il tente de transformer en atout : « La loyauté vis-à-vis de François Hollande, je considère que c’est une valeur« . Pourtant, son cher François l’avait oublié lors de la constitution du premier gouvernement Ayrault. Le rustique n’est dons pas rancunier. 
Reste Emmanel Maurel qui cultive sa singularité. Il est le seul ancien frondeur parmi les candidats, le seul aussi, à avoir des liens forts avec la France insoumise, qui l’invite à son université d’été et l’y applaudit. Ce député européen, nostalgique des années Mitterrand, biographe de Jean Poperen, qui cite Jaurès et cultive un look très « signature du programme commun »,avec grosses lunettes et cravate fantaisie, est le plus offensif : la victoire est à portée de fusil, camarade : « nos idées n’ont jamais été autant d’actualité« , et l’ennemi n’est qu’un tigre de papier : « Macron, ce n’est pas un début, c’est une fin. »
Alors qu’au PS, les festivités ne font que commencer…

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