Vengez-nous des zadistes !

Le Canard Enchaîné – 24/01/2018 – Jean-Luc Porquet –

Oui, ce sont des emmerdeurs. Non, ce ne sont pas des Nimby. On appelle Nimby ceux qui se rebellent contre une ligne TGV, une autoroute, un chantier, un aéroport, ou quoi que ce soit d’autre, juste parce que cela se construit sous leur nez. « Nimby », littéralement, c’est « Not in my backard« , « pas dans mon arrière-cour ». Mais, que le même chantier se déroule ailleurs, que l’aéroport soit construit loin de chez eux.

Les zadistes de Notre-Dame-des-Landes ne sont pas des Nimby. Mis à part une poignée de paysans, ils ne sont pas du coin. Pour quelles raisons sont-ils venus s’installer là ? Parce que ce sont de doux dingues adorateurs du campagnol amphibie ? des gauchistes en manque de révolution ? des « terroristes comme les autres« , comme s’interrogeait sérieusement la chaîne LCI, le 4 janvier ?

On avait beau, mercredi dernier, dans les heures qui ont suivi l’annonce l’abandon du projet d’aéroport, tendre l’oreille, personne pour nous rappeler les raisons d’être sur place des zadistes. Nous dire le pourquoi de ces années de lutte, de cette mobilisation, de ce vaste mouvement de soutien qui, depuis des années, a fait reculer tous les gouvernements successifs.

La cause était entendue : les zadistes avaient gagné, désormais, il fallait les mettre dehors sans mollir, « restaurer l’autorité de l’État » et tout le bla-bla. Que le gouvernement, après l’abandon, accepte en plus de dialoguer avec eux, c’était à s’étrangler de rage ! De Bruno Retailleau à Marine Le Pen en passant par Manuel Valls, toute une armée de politiciens nous a offert un spectacle distrayant d’impuissance ulcérée droite dans ses bottes. Pendant ce temps-là, les zadistes acceptaient tranquillement de dégager la D281, la fameuse « route des chicanes« …

Rappelons-le : très divers et bigarrés (et comptant forcément quelques excités dans leurs rangs), les zadistes sont d’accord sur au moins une chose. Ce n’est pas seulement l’aéroport auquel ils s’opposent, mais « l’aéroport et le monde qui va avec« . La religion toujours dominante de la croissance à tout crin. La consommation aveugle, le toujours plus. Toujours plus de « mobilité », de voyages low-cost et à travers le monde, de « compétitivité » et de « développement »… Sur une Terre menacée par le dérèglement climatique et l’épuisement des ressources, ce projet d’aéroport datant des années 70 et destiné à accueillir le Concorde (le quel ne vole plus depuis 2003 !) leur semble relever d’un entêtement suicidaire.

Dans une récente « Lettre aux comités locaux (1), des occupants de la ZAD affirment : « L’État  et le système qu’il défend nous emmène droit dans le mur, et, plutôt que de contribuer au désastre en cours, nous nous sentons légitimes à essayer ici de vivre différemment. » Ni « camp retranché de dangereux décérébrés« , ni « carte postale de gentils néo-ruraux en goguette« , la ZAD ambitionne d’être « une zone un peu plus respirable que le reste du monde« .

C’est peut-être ça qui énerve…