Sécurité nucléaire : un livre polémique sur l’état des centrales françaises

Le Point.fr – 05/02/2018 –
La centrale nucléaire de Tricastin.
Dans Nucléaire, danger immédiat, les journalistes Thierry Gadault et Hugues Demeude écornent la réputation de grande fiabilité des centrales nucléaires françaises. Des extraits, publiés dans le JDD dimanche 4 février, font état d’une enquête au long cours qui fait la lumière sur des défauts, structurels ou liés à l’usure, fragilisant dangereusement certaines centrales. Tricastin (Drôme), Le Bugey (Ain), Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher), Blayais (Gironde)… Sur les cinquante-huit réacteurs, une dizaine sont dans un état catastrophique.  Alors que 48 des 58 sites nucléaires que compte notre territoire auront au moins quarante ans à l’horizon 2028, un seuil critique, EDF fait son possible pour que leur durée de vie soit prolongée.
Les deux auteurs expliquent cependant que les défauts constatés au niveau de certains réacteurs rendent cette perspective particulièrement dangereuse. « Selon EDF, 10 cuves en exploitation ont des fissures qui datent de leur fabrication. En général, ces fissures ont été provoquées lors de l’opération de soudure du revêtement en Inox qui protège la face interne de la cuve. […] Durant leur exploitation, tous les dix ans, ces fissures ont été examinées soigneusement, car elles sont dangereuses. […] Si elles grandissent, elles pourraient percer la cuve », écrivent les auteurs, prenant ensuite comme exemple de ces risques la centrale de Tricastin (entre la Drôme et le Vaucluse).
Tricastin, « la pire centrale du pays »
« Tricastin, avec son réacteur n° 1, est la pire centrale du pays. Ce réacteur cumule tous les problèmes : défauts sous revêtement, absence de marge à la rupture et dépassement des prévisions de fragilisation à quarante ans ! » indiquent les journalistes, ajoutant même à la liste un risque non négligeable d’inondation. Les auteurs citent sur ce sujet le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Pierre-Franck Chevet, qui prévient « qu’en cas de séisme fort on pourrait aller vers une situation, avec quatre réacteurs simultanés en fusion, qui ressemble potentiellement à un accident de type Fukushima ». EDF a d’ailleurs mis à l’arrêt ces quatre réacteurs en septembre dernier.
Parmi les « petits secrets » gardés par l’industrie nucléaire selon les auteurs, les carences de la machine utilisée pour l’inspection des cuves des réacteurs. Celle-ci analyse l’état de l’acier, mais « ne le fait que sur une toute petite partie de l’épaisseur de métal ». Au début des années 2010, des défauts décelés sur des cuves de centrales belges, similaires aux françaises, sur le reste de l’épaisseur du métal ont poussé l’ASN à tenir un discours rassurant. Des tests menés par EDF ont cependant montré que ces malfaçons, des bulles d’hydrogène emprisonnées dans le métal au moment de la fabrication, étaient également présentes sur six cuves en France. L’hydrogène présent dans l’eau des cuves est également un sujet d’inquiétude au sein de la communauté nucléaire, une étude publiée en 2015 par deux scientifiques ayant provoqué un tollé à ce sujet, sans pour autant empêcher l’Agence belge pour le nucléaire (AFCN) d’autoriser la remise en service des réacteurs concernés. « Pour n’importe qui, un acier fissuré, fracturé, est bien évidemment moins solide qu’un acier sans défaut. En est-il de même pour l’industrie nucléaire ? » interrogent finalement Thierry Gadault et Hugues Demeude.
Parution 07/02/2018 – Editeur : Flammarion – Collection : En Quête – 286 p. – 21€
Pour en finir avec un mensonge d’État ! Deux Français sur trois vivent à moins de 75 kilomètres d’une centrale nucléaire alors que la menace d’un accident grave n’a jamais été aussi forte.
Au-delà des discours si rassurants des défenseurs du nucléaire, la situation dans nos 19 centrales est plus que préoccupante. Comme le révèle cette enquête, de nombreux réacteurs ont très mal vieilli (notamment à Gravelines, au Bugey ou à Tricastin) : cuves fissurées, enceintes de « confinement » passoires, équipements essentiels non conformes… Tout est réuni pour que survienne une catastrophe. Sans compter, les risques externes, sans cesse minimisés, qui, à l’image du dangereux barrage de Vouglans dans le Jura, menacent la sûreté de certaines centrales.
Financièrement exsangue, incapable d’investir dans de nouveaux outils de production, EDF manœuvre pour imposer la prolongation de ses centrales au-delà du raisonnable. Cette impasse financière, technique et humaine intervient à un moment clé : 48 réacteurs (sur 58) vont atteindre d’ici à 2028 le seuil critique, considéré comme maximal, des 40 années de fonctionnement.
Parce que le complexe nucléaire tricolore est aujourd’hui en faillite, en raison des gestions hasardeuses des deux principales entreprises publiques (EDF et Areva), parce que la France a lié son avenir à celui du nucléaire en retardant toute vraie transition énergétique, le piège est en train de se refermer.
Et ça se passera près de chez vous…

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