Laurent Wauquiez s’est porté un mauvais coup tout seul : Laurent Wauquiez consterne la droite

Le JDD 18/02/2018

L’EDITO DU JDDSur Europe 1, le directeur de la rédaction du JDD, Hervé Gattegno, revient avec Wendy Bouchard sur les propos polémiques tenus par Laurent Wauquiez à l’EM Lyon
Bonjour Hervé Gattegno. Vous revenez ce matin sur les propos de Laurent Wauquiez devant des étudiants à Lyon, qui ont été dévoilés par l’émission Quotidien et qui ont déclenché une polémique. Est-ce que ces réactions vous paraissent excessives ou est-ce que, pour vous, c’est une polémique justifiée?
C’est la moindre des choses qu’on soit choqué par les propos de Laurent Wauquiez. Que devant des étudiants d’une grande école à qui il donne des cours – on se demande des cours de quoi –, qu’il tienne des propos à l’emporte-pièce, qu’il porte des accusations parfois très graves (contre Nicolas Sarkozy, contre Emmanuel Macron, contre Gérald Darmanin), c’est déjà en soi complètement insane. Mais le plus grave, c’est qu’il dise en commençant son cours que pour une fois, il va dire la vérité et par des bullshit comme quand il passe à la télévision (c’est-à-dire du tout et n’importe quoi) – là, c’est vraiment consternant pour un politique de ce niveau. Qu’on prenne ça pour de la démagogie ou pour de la désinvolture, c’est affligeant. Pour tout dire, ce mélange d’arrogance et de complotisme à deux sous, ça ressemble à du mauvais Donald Trump – c’est dire que ça ne vole pas très haut…
Laurent Wauquiez s’est excusé auprès de Nicolas Sarkozy, mais pas des autres… Il dit que ses propos étaient tenus dans un cadre privé, il menace de porter plainte. Il a tort?
Sur ce point précis, j’ai un peu envie de lui donner raison. Oui, c’étaient des paroles tenues en privé, donc elles n’auraient pas dû être diffusées à son insu – c’est vrai. Sauf qu’on peut s’en désoler, mais on ne vient pas de découvrir qu’aujourd’hui, pour un politique, il n’y a plus grand-chose de privé. Et surtout, sur le fond, ça n’empêche qu’il a bien prononcé ces mots – et que ces mots, ce qu’ils révèlent, c’est ce que la plupart de ceux qui le connaissent lui reprochent (même chez ceux qui le soutiennent), c’est-à-dire son insincérité. Vous savez, ce qu’on appelle le « off », c’est un peu l’inconscient des politiques : c’est quand ils disent ce qu’ils ne devraient pas dire. Donc en l’occurrence, Laurent Wauquiez voulait apparaître sincère en disant que, puisque c’était en privé, il dirait la vérité. Eh bien, ce qu’on retiendra, c’est que quand il parle en public, il dit n’importe quoi. Tant pis pour lui.
Depuis son élection à la tête des Républicains, Laurent Wauquiez semblait dans une bonne phase, il grimpait dans les sondages… Cette affaire peut l’entraver dans sa stratégie de reconquête?
Pour être franc, ce serait justice. Dans n’importe quelle grande démocratie, des propos pareils seraient dévastateurs pour un responsable politique – au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, ce serait peut-être la fin de sa carrière politique, il devrait faire des excuses publiques. En France, il y a une relation compliquée avec les politiques, qui est faite à la fois d’une intolérance systématique et d’une mansuétude troublante. Comme si nous étions aussi cyniques que nous leur reprochons de l’être. Donc soyons clair, Laurent Wauquiez va s’en remettre mais oui, c’est un mauvais coup qu’il s’est porté tout seul. Il voulait moderniser l’opposition, je crois qu’il s’est ringardisé tout seul. Disons qu’après des débuts réussis, il a commis un bel acte manqué.Par Hervé Gattegno

Laurent Wauquiez consterne la droite

Le JDD  18/02/ 2018
Après ses propos fracassants devant des étudiants, Laurent Wauquiez a reçu peu de soutiens.
Laurent Wauquiez est difficilement défendu par les siens (Reuters)
« Mais quelle mouche l’a piqué? », s’étonne un sarkozyste pourtant bienveillant à l’égard de Laurent Wauquiez. Alors que le président des Républicains pouvait savourer une embellie dans les sondages et qu’il venait d’engranger deux victoires dans des législatives partielles, il a provoqué une mini-tornade politique et a même dû ­s’excuser auprès de ­Nicolas Sarkozy… pour s’être un peu trop lâché lors d’une conférence devant des étudiants de l’école de management de Lyon. « Il faut que tout ce que je dise reste entre nous […]. Sinon ce que je vais vous sortir sera juste le bullshit [la connerie] que je peux sortir sur un plateau ­médiatique », les avait-il prévenus. Raté. Enregistrés à son insu, ses propos ont été diffusés dans l’émission Quotidien sur TMC vendredi soir.
Brutal, cynique et vulgaire »
« C’est déloyal – parce qu’un étudiant enregistre un prof à son insu – et malsain – parce qu’il donne l’enregistrement à un média. C’est doublement malveillant », s’est ­insurgé le secrétaire général délégué de LR Geoffroy Didier, quand le porte-parole Gilles Platret évoquait des « bouts de phrases sortis de leur contexte ». On y entend le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes décrire un Sarkozy paranoïaque qui avait mis ses ­ministres « sur écoute pour pomper tous les mails, tous les textos ». ­Expliquer qu’Angela Merkel manque de charisme ou qu’Emmanuel Macron aurait contribué à une « cellule de démolition » du candidat François Fillon pendant la campagne présidentielle. Quant à Gérald Darmanin, visé par une plainte pour « abus de faiblesse », « il va tomber », prétend Wauquiez.
Valérie Pécresse ne veut pas commenter « des propos qui se passent de commentaires »
Ses détracteurs n’en demandaient pas tant. Alors que la majorité s’en donnait à cœur joie samedi – « il y a de drôles d’enseignements dans de drôles d’écoles de commerce », a ironisé ­Darmanin –, c’est d’abord un grand silence consterné qui, à droite, a accueilli ces propos. Sollicitée, la présidente d’Île-de-France, Valérie Pécresse, « refuse de commenter des propos qui se passent de commentaires », selon son entourage. Sous couvert ­d’anonymat, les mots sont durs. « C’est un fou furieux, s’indigne un élu LR. C’est une faute de gamin de 14 ans qui se lancerait en ­politique. » « Il montre son vrai visage : brutal, cynique et vulgaire », assène un responsable de LR. « Wauquiez a lui-même ­officialisé tout ce qui fait que les Français se méfient de lui : il ne pense rien de ce qu’il dit », estime un ancien ministre LR, qui évoque « une énorme sortie de route ».
Plus grave sans doute aux yeux d’une base militante sarkolâtre, Sarkozy n’a pas du tout apprécié. Et l’a fait comprendre. Les deux hommes se sont téléphoné samedi matin et Wauquiez « s’est excusé » auprès de l’ancien président, lequel « en a pris note », a fait savoir l’entourage de Sarkozy. Le président de LR s’est fendu d’un communiqué pour assurer qu’il « n’a jamais été question dans [son] esprit de soutenir qu’on ait fait surveiller des membres du gouvernement ». Il y dénonce par ailleurs la diffusion de propos « enregistrés de façon illégale », menace de « suites judiciaires » et, sur le fond, évoque une « discussion libre avec des étudiants, parfois sur le ton de l’humour ».
Cela montre qu’il est cash« 
Son entourage s’efforçait samedi de minimiser : « C’est microcosmique. » « Ce sont des propos tenus à huis clos à des étudiants qui attendaient des anecdotes croustillantes », relativise Brice ­Hortefeux. Parallèlement, l’équipe de Wauquiez relayait la tribune de soutien rédigée par un des élèves du cours, Anatole ­Flahault, qui évoque « une discussion à cœur ouvert, avec des questions des ­étudiants qui étaient tout aussi cash ». Un proche du président de LR ­positive : « Cela montre qu’il est cash et ça fait partie des bons aspects de sa personnalité. » ­Atterré, un élu LR peu suspect de sympathie pour Wauquiez se montre sceptique sur d’éventuels ­dégâts sur son image : « Cela va simplement accentuer la polarisation autour de lui entre ceux qui l’aiment et ceux qui le détestent. Un peu comme pour Trump aux Etats-Unis ».
Lire aussi : Sarkozy, Macron, Darmanin… Les accusations « off » de Laurent Wauquiez
Par Christine Ollivier

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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