Ils étaient médecin, éditeur, journaliste, DRH … Du jour au lendemain ils sont devenus ministres. Huit mois après ont-ils vraiment changé les codes de la politique ? Par Julien Martin
Dès la nomination du premier gouvernement d’Edouard Philippe, ils étaient 11 ministres sur 22 issus de la société civile. De gauche à droite : Sophie Cluzel, Mounir Mahjoubi, Françoise Nyssen, Elisabeth Borne, Agnès Buzyn, Jean-Michel Blanquer, Frédérique Vidal, Marlène Schiappa, Laura Flessel, Nicolas Hulot et Muriel Pénicaud. (HAMILTON/REA)
L’Obs 11/02/2018
Mardi 26 septembre 2017. La séance de questions au gouvernement touche à sa fin. Un député communiste interroge la ministre de la Santé sur la réforme du forfait hospitalier. « L’hôpital vit une crise sociale et morale », assène-t-il avant de la mettre au défi : « Faites le tour des hôpitaux sans le filtre des visites organisées ! » Agnès Buzyn se lève à son tour et lui rétorque tout de go :
« Monsieur le député, contrairement à vous, je n’ai pas besoin d’aller visiter les hôpitaux, j’y ai passé vingt-cinq ans de ma vie ! »
La répartie déclenche une longue ovation dans l’hémicycle, parmi les nombreux élus de La République en Marche (LREM). L’argument d’autorité a fait mouche. Pas l’autorité de la ministre, mais celle de l’experte, du médecin, ancienne responsable de l’unité de soins intensifs à l’hôpital Necker.
On les voit partout, au Parlement, dans la presse ou sur les plateaux radio et télé. Après avoir pris leurs marques, les ministres issus de la société civile montent au créneau, quitte à bousculer les codes de la politique et à déclencher la polémique.
« Hollande n’a rien voulu voir »
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La semaine dernière, c’est Marlène Schiappa, écrivaine militante devenue secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, qui commentait l’enquête sur le meurtre d’Alexia Daval, faisant fi de la traditionnelle séparation des pouvoirs.
Quelques jours auparavant, c’est Françoise Nyssen, éditrice nommée ministre de la culture, qui demandait la tête du PDG de radio France Mathieu Gallet, après sa condamnation pour favoritisme. Emmanuel Macron ne s’en plaint pas, il les a tant désirés.
Dès le 18 mars 2017, le candidat à la présidentielle l’avait promis : « je ne ferai pas mon gouvernement avec les états-majors des partis politiques. Il sera composé d’une quinzaine de ministres tout au plus, qui seront d’abord choisis pour leur qualités et pour leur expérience, pas pour leur supposé poids politiques. Ils seront issus, pour une partie conséquente, de la société civile. »
Qu’est-ce qui marche ? Et surtout qu’est-ce que cela change ? A croire les intéressés, leur origine spécifique apaise d’abord les relations au sein du gouvernement. « Les différences empêchent les concurrences, estime Nathalie Loiseau, l’ancienne directrice de l’ENA, devenue ministre chargée des Affaires Européenne. Agnès Buzyn ne veut pas être ministre de la culture, Françoise Nyssen ne cherche pas à devenir ministre du travail, Jean-michel Blanquer ne rêvait que de renouveler l’école. Chacun est heureux dans son domaine d’expertise, et entend y rester » De fait, tous louent un travail ministériel fructueux. « C’est historique : le gouvernement travaille vraiment en équipe, s’enorgueillit Muriel Pénicaud. Sur l’apprentissage c’est la première fois qu’un ministre de l’Education, un ministre de l’enseignement supérieur et un ministre du travail disent la même chose »
Une nouvelle ère s’est ouverte. C’est aussi « la fin des petites phrases, des peaux de banane » relève un conseiller en communication, « au grand dam des journalistes politiques désarçonnés ». Certes les polémiques sont moins nombreuses mais pas non plus inexistantes.
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« Avec seulement dix collaborateurs on est une vraie petite start-up de la République » Muriel Pénicaud.