Trop de dépenses publiques en France ? Trop de fonctionnaires ?

michelumix – 11/02/2018 –

Trop de dépenses publiques en France ! Trop de fonctionnaires !
La dépense publique représente 57% du PIB Français et cela c’est intolérable pour tous les économistes et les think tanks libéraux comme l’Institut Montaigne qui ferraillent en permanence contre ces dépenses. Dans leur collimateur : les prestations sociales et les dépenses de personnel des administrations françaises (État, collectivités locale et Administrations de Sécurité Sociale)
L’Institut Montaigne
Il est intéressant de se pencher sur le CV DU Président de cet Institut, ce prescripteur très prisé de nos décideurs politiques, pour découvrir qu’après des études brillantes (HEC, ENA,…), un passage à l’Inspection des Finances et à la Direction du Trésor, ce « décideur » a fait une seconde carrière dans le privé, notamment chez AXA assurances, est désormais Président des activités européennes d’un fonds d’investissement Américain et à ses moments perdus administrateur chez Nestlé et à la banque HSBC…
Un beau parcours qui ressemble par certains côtés (Inspection des Finances et Banque) à celui du Président de la République.
Alors, avant de prendre pour argent comptant les « recommandations » de cet Institut, posons-nous la question de savoir à qui profite le crime : aux compagnies d’assurances prêtes à proposer des contrats santé en lieu et place de la Sécu et aux entreprises qui n’attendent que le dégraissage des effectifs de la Fonction publique pour reprendre ses activités.
Faire payer les risques santé, invalidité et vieillesse par les malades et privatiser les services publics en faisant payer les utilisateurs. Fini la socialisation des dépenses. Voilà le programme.  
46% de la dépense publique pour les prestations sociales
C’est beaucoup ? Sans doute, si on compare ce pourcentage à d’autres pays, les États-Unis par exemple, où les dépenses de santé sont directement prises en charge par les patients et où le moindre pépin de santé peut vous conduire soit à refuser les soins et obérer votre espérance de vie, soit à vous conduire à la faillite personnelle. La comparaison n’est pas bonne. Il faut donc savoir quelle protection sociale les français souhaitent et surtout que ces mêmes français ne laissent pas décider les lobbies de l’assurance et la santé décider pour eux.
Des économies sont possibles, sans doute, mais celles qui sont sur la table consistent surtout à diminuer les moyens de l’hôpital public et à laisser faire la médecine privée ainsi que les assurances complémentaires. Le déremboursement fait également partie de la panoplie alors que dans le même temps, l’industrie pharmaceutique fait la pluie et le beau temps en matière de fixation des prix du médicament.
La « diminution de la dépense publique » en matière de prestations sociale et de transferts sociaux se traduira immanquablement par des restrictions de droits pour les usagers.
Le système est détricoté petit à petit et la mutuelle obligatoire payée pour la moitié par l’entreprise n’est que le cheval de Troie d’une privatisation rampante de risques de plus en plus importants.
23% en rémunération d’agents publics
Supprimer 120 000 postes de fonctionnaires en embauchant des contractuels ne fera en rien baisser la dépense publique, surtout si l’on offre une « prime au départ » aux fonctionnaires volontaires. Nous sommes donc dans le dogme de la suppression du nombre de fonctionnaires statutaires et en rien dans une opération pouvant conduire à des économies.
Par contre, si l’on procède à des départs de fonctionnaires et à des recrutements moins importants de contractuels et que, dans le même temps, on privatise certains services publics en en faisant payer le prix par les usagers au lieu de l’ensemble des contribuables (les transports scolaires, par exemple), on peut arriver à l’objectif de baisse de la dépense publique par transfert de cette dépense sur les usagers. Les sociétés privées n’attendent que cela et sont prêtes à signer toutes les délégations de service public ou autres partenariats que l’on voudra.
Que ceux qui gueulent après les fonctionnaires et qui devront payer plein pot des services qui sont jusqu’à présent accessibles à moindre coût, réfléchissent bien, et pas seulement à court terme.

L’opération de recrutement n’est pas gage d’efficacité absolue
Méditons un instant sur cette phrase d’Albert Jacquard : « Le système ne choisit pas les meilleurs, il choisit les plus conformes, et c’est dangereux ».
Cette réflexion s’adresse bien entendu à tous, statutaires, contractuels, mais aussi aux recrutements opérés dans le secteur privé.
Dans le secteur public, c’est le concours qui est la règle et qui ouvre la voie à une carrière de fonctionnaire, après éventuellement un entretien de recrutement (Fonction Publique Territoriale). Le concours est un mode de sélection qui ne préjuge en rien de la qualité d’un agent propulsé parfois dans des administrations ou des services où le mot « management » fait partie d’une langue morte.
Dans le secteur privé, à partir d’une certaine taille d’entreprise (les artisans et les PME ne peuvent pas se le permettre), le diplôme fait partie des prérequis pour certains recrutements mais ne suffira pas, car celui-ci se fera également par rapport à d’autres critères plus subtils (positionnement du N+1 ou caractéristiques de l’équipe dans laquelle le recruté sera intégré…). L’esprit de corps a également toute sa place : on parle souvent des diplômés des grandes écoles avec leur carnet d’adresse. Tout cela pour dire la subtilité de certains recrutements dont l’apport pour l’entreprise n’est pas toujours avéré et qui se terminent parfois dans des placards dorés.
Le recrutement de contractuels dans le secteur public
Il peut être utile lorsque le profil recherché n’existe pas dans les filières du secteur public, particulièrement dans la Fonction Publique Territoriale, et c’est un moindre mal. Par contre, les administrations locales ont recours à la contractualisation pour de postes plus politiques et là, plutôt que des compétences recherchées, on parlera de conformité, d’idée cette fois, avec le pouvoir politique local qui recrute, ce qui n’est absolument pas gage d’efficacité et heurte parfois la neutralité du service publique à laquelle les fonctionnaires statutaires sont astreints. Ajoutons que dans ce cas, la rémunération contractuelle est souvent plus importante que la rémunération statutaire, à fonctions égales. La multiplication des niveaux de gestion territoriale (commune, intercommunalité, Conseil Départementaux et Régionaux) s’est accompagnée d’un accroissement important de ces postes davantage chargés de l’image des élus locaux que de l’efficacité du service public.
Tant qu’on n’aura pas fait l’effort de simplifier le système territorial mais également de se pencher sur la multitude d’agences d’État dotée de la personnalité morale dont l’efficacité n’est pas toujours prouvée (et qui servent souvent de points de chute pour recycler des élus ou autres personnes proches du pouvoir), la dépense publique aura de beaux jours devant elle et le recrutement de contractuels fera office de pansement sur une jambe de bois et d’outil de communication politique.
L’impression de se faire avoir…
Voilà, le débat public/privé peut être sain à condition que les dés ne soient pas pipés par des « experts » qui ont intérêt à casser du public pour rafler la mise financière, par des « élites » qui savent si bien passer de l’un à l’autre (pantouflage des Inspecteurs de Finances dans le privé) en privilégiant toujours leur carrière ou bien par des élus nationaux qui une fois rentrés dans leur circonscriptions, s’empressent de faire le contraire de ce qu’ils disent en recrutant des contractuels « conformes ».
Le mauvais procès fait aux fonctionnaires déconstruit en 6 points – Alternatives Economiques – 05/04/2017 –
120 000 fonctionnaires priés de partir… où ? – Jean-Marie Harribey – 03/02/2018 –

A propos werdna01

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