Medias – Interview d’Emmanuel Macron : la forme a tué le fond

L’édito de l’Opinion 16/04/2018 Nicolas Beytout

Catch à trois
Une fois retombés le bruit et la fureur de « l’interview » d’Emmanuel Macron par le duo Bourdin-Plenel, que reste-t-il de cette empoignade télévisuelle ? Une impression de gâchis pour tous. Non que les journalistes semblent avoir le moindre doute sur le côté indépassable de leur prestation. Rappelons pourtant quelques principes de base de l’interview, par exemple que la règle est de poser des questions. Dès lors que le journaliste devenu contradicteur assène son opinion, il change de registre et devient, en l’occurrence, un opposant. Cette posture n’est pas moins noble, mais elle empêche de donner des leçons de professionnalisme.
Autre principe de base : laisser parler l’interviewé au-delà de quelques mots, et cela dans l’intérêt même de celui qui écoute ou regarde l’entretien. Relancer une question, revenir sur une réponse mal calibrée ou incomplète quitte à déstabiliser l’interviewé en le mettant dans une zone d’inconfort est la règle. Mais le droit de suite n’est pas le harcèlement.

Enfin, naturellement, faire une erreur factuelle en posant ses questions est totalement disqualifiant.
Du côté du chef de l’Etat, la satisfaction semblait aussi de mise : le combat avait permis de mettre en valeur sa jeunesse, sa résistance, sa connaissance des dossiers. Mais il n’y a là rien de nouveau. Or jusque là, Emmanuel Macron avait su faire de la forme de ses interventions un message sur le fond (on pense au Louvre, à la signature solennelle des réformes, à l’ensemble de sa communication tellement maîtrisée). Cette fois, la forme a tué le fond.

Tout à leur excitation d’avoir fait un coup d’éclat, les deux journalistes ont expliqué en fermant leur micro qu’une page avait été tournée et qu’après cela, l’interview politique ne serait « jamais plus pareille ». On préfèrerait qu’il n’y en ait jamais plus de pareille.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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