Sur l’île d’Oléron, McDo fait de la résistance (2)

Charlie Hebdo – 09/05/2018 – Nadège Hubert –
Dolus-d’Oléron, 3 200 habitants :  le maire, Grégory Gendre.
Interrogé par Charlie la semaine dernière, le maire de Dolus-d’Oléron a été clair : « No pasaran !« . Pas de McDo dans sa ville. Le géant de la malbouffe est prié d’aller griller ses viandes et ses frites ailleurs. Et si le fast-food n’était qu’un cheval de Troie pour favoriser la spéculation foncière ? 
Pour contrer l’outrage fait au clown Ronald,les pro-McDo s’organisent sur l’île d’Oléron. Et ils ne font pas dans la dentelle. Houspillé par des auditeurs en colère d’une grande radio, Gendre s’est vu traité de « ringard« , de « combattant d’arrière-garde » et même de « hors-la-loi » lorsqu’une avocate a insisté sur le fait que « le maire avait été condamné par le tribunal et qu’il devait donc accepté la sentence de justice…« .
Les réseaux sociaux ne sont pas en reste. Au moment où l’élu en appelle à la raison, une page Facebook pro McDo revendique le droit à… la liberté. « Nous voudrions qu’on nous laisse libres de choisir si nous voulons un McDonald’s ou pas sur Oléron et que l’on nous laisse libres de manger ce que nous voulons. » Cette page est aussi un modèle de délicatesse sémantique. On peut y lire des commentaires aussi pertinents que ceux d’un mec bourré accoudé au bar du coin qui prennent du plaisir à baver sur le maire et ses potes qui luttent pour empêcher McDo de s’implanter sur l’île.
D’autres sortent l’argument de l’emploi. Interrogé au téléphone, un commerçant qui tient à garder l’anonymat est fou de rage contre Grégory Gendre : « L’hiver, Oléron, c’est morne plaine ! Plus de 25 % de chômeurs et encore plus chez les jeunes de moins de 25 ans. Qu’est-ce qu’il veut le maire ? Tuer notre île ? » Du côté de la com de McDo, on sort l’artillerie lourde. Le baratin est parfaitement rodé : oignons, patates, blé 100 % français, etc. Au téléphone, notre interlocuteur va plus loin : « Savez-vous que nous recevons 1,8 millions de clients dans nos restaurants par jour en France ? Notre pays est le second contributeur après les États-Unis. » Et si ça ne suffit pas, le chantage à l’emploi : « Nous créerons 70 emplois à Oléron : 40 CDI et 30 CDD. Par les temps qui courent, c’est bien, non ?« 
« Ils nous prennent pour des jambons »
Grégory Gendre connaît ce discours : « Décembre 2014, première rencontre avec McDo dans mon bureau. La discussion s’engage avec le directeur des relations institutionnelles et le responsable commercial du Grand Ouest. Ils surenchérissent sur le nombre de CDI, parlent d’investir dans le rugby, de booster l’économie locale. Ils nous prennent vraiment pour des jambons ! Alors que  nous, nous prônons le zéro déchet, une économie sociale te solidaire. On est dans un autre monde. » McDo produit 42 000 tonnes de déchets par an en France. Raison de plus pour résister et protéger cette île encore préservée.
Autant d’arguments qui ont provoqué une réponse masse de la part du site Change.Org. Le réseau a aujourd’hui recueilli plus de 75 000 signatures soutenant « la juste cause du maire d’Oléron« . Parmi eux, Xavier Denamur, restaurateur militant pour la bonne bouffe : il a été avec Grégory Gendre l’un des instigateurs du « printemps de l’alimentation durable » à Dolus : « C’était notre petit Woodstock de la food culture ! » Inutile de tenter de l’entourlouper : « Ils se la jouent agroécologie, mais ils n’ont qu’une seule ferme expérimentale ! Les patates 100 % françaises, oui, mais traitées ! Il utilisent des édulcorants, des additif, des conservateurs qui sont cancérigènes. Alors, si la politique, c’est dénoncer une boîte qui donne de la bouffe de merde aux gens, alors, oui, je fais de la politique ! »
En attendant la décision judiciaire de cet été, qui décidera si oui ou non McDo peut s’installer sur l’île, Grégory Gendre craint une autre bataille : celle des municipales de 2020. Certains supporters du maire sont persuadés que les élus d’opposition créateurs d’un nombre important de sociétés civiles immobilières auraient de grands projets dans leurs cartons. Et si McDo n’était qu’un cheval de Troie ? « C’est ça le vrai sujet, conclut un responsable chargé de l’aménagement du territoire. Si ce géant de l’agrobusiness réussit sont coup à Oléron, ce sera le début d’une vaste spéculation foncière sur l’île. Ils feront jouer la jurisprudence McDo. Et nous verrons pousser les enseignes commerciales et les complexes hôteliers comme des champignons après la pluie. C’est en ça que le combat du maire est d’envergure universelle ! »
Pour signer la pétition – c’est ici
Lire l’article précédent publié le 5/05/2018 : Big claque pour McDonald’s sur l’île d’Oléron
et aussi : L’Île d’Oléron contre McDo : les zadistes de la gastronomie – Marianne 02/02/2018 –

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