Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture… et des lobbys ?

Le Canard enchaîné 06/06/2018 – Anne-Sophie Mercier –
Le ministre de l’Agriculture a beau être honni, il n’a pas les états d’âme de Hulot. Il creuse son sillon en suivant la feuille de route fournie par son patron.
Alain Juppé « incarnait physiquement l’impôt« , selon François Hollande et voilà que Travert personnifie à lui seul l’influence occulte des lobbys. « Il est LE lobby », a assuré l’eurodéputé Vert Yannick Jadot.  Le ministre de l’Agriculture serait donc le toutou de la FNSEA, le larbin de la grande distribution, le chaouch des firmes de l’agroalimentaire. Les écolos le haïssent, les associations de défense de l’environnement ou de la cause animale le vomissent, même sa majorité le défend tièdement, il s’en moque. 
La chance de sa vie
Tout glisse sur ce garçon rond et bienveillant. Il n’a « aucune vision », selon le socialiste Guillaume Garot. « Il est le pire de la FNSEA, une sorte de sous-Allègre », lâche l’écolo Pascal Durand. « Il n’est pas taillé pour la course« , conclut François Veillerette, le très influent porte-parole de Générations futures. Travert hausse les épaules, ne montre jamais le moindre signe de nervosité, répète imperturbablement les mêmes éléments de langage, est ravi d’être là et déterminé à y rester le plus longtemps possible.  « Macron a eu une idée de génie, quand il préparait sa loi, en 2015, de s’attacher des députés socialistes qui avaient fait leur trou, localement mais n’avaient guère d’espoir de s’imposer dans leur camp. Les postes en vue n’étaient pas pour eux. C’est le cas de Ferrand, de Castaner et de Travert. Il les a cajolés, leur a expliqué qu’ils étaient injustement traités au PS, les a flattés et attrapés comme ça. C’est la chance de leur vie, être enfin de gros poissons. Ils ne la laisseront pas passer, Macron peut tout leur demander« , rigole un député PS.
Le ministre de l’Agriculture est donc un macroniste de choc. il défend le patron bec et ongles, n’a jamais une nuance à formuler, jamais un joker à sortir. La réforme du statut des cheminots, c’est oui, la baisse des APL, oui évidemment, pas un sou pour les banlieues, mon Dieu c’est la vie, la refonte à venir des aides sociales, mais où est le problème ?
Un soutien pour le moins surprenant. Travert, proche de Hamon pendant une dizaine d’années, a en effet refusé de voter la confiance à Manuel Valls en 2014. Trop a droite, le camarade Valls, pour Travert, qui a systématiquement combattu ses textes économiques à l’Assemblée. Dérive libérale, pas mon truc, faisait savoir le député de la Manche. Au nom de ses liens avec Emmanuelli, il défendait alors bec et ongles le service public et le pouvoir d’achat des plus modestes.  « Il ne cachait pas ses combats communs avec la CGT et a voté contre le traité constitutionnel européen en 2005« , se souvient un socialiste normand. Macron, alors proche de Valls, incarnait exactement la même ligne politique.
Travert se sort de cette contradiction en évoquant l »énergie » et le « pragmatisme » de Macron. « Quand je l’interroge sur le pourquoi de son virage macronien, il n’argumente jamais et se ferme comme une huitre. on a cessé de discuter« , raconte un vieux copain syndicaliste.Travert est devenu fort « pragmatique« , lui aussi. Il a montré qu’il avait du métier le soir même de la victoire de son héros. Amené à commenter l’ambiance au sein des troupes de la nouvelle majorité, il a été parfait : « Ce fut une joie sobre, empreinte de gravité, de sérénité, de responsabilité. » Avant de conclure : « Nous avons la victoire humble face aux attentes. » Splendide.
Depuis, il n’a commis aucun faux pas. Son compte Twitter, sur lequel il n’exprime jamais une idée personnelle, lui sert à rendre habilement hommage à tous ses collègues du gouvernement. Une seule exception, Nicolas Hulaot avec lequel les relations sont exécrables…

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