Le rêve en bleu – Exulter avec les bleus

LE MONDE | 16.07.2018
Editorial. De Paris à Marseille, tout un peuple, laissant pour un temps de côté ses querelles et ses divisions, a fait un rêve en bleu
Ce moment est d’autant plus précieux qu’il rassemble un pays traumatisé par les attentats

Editorial du « Monde ». Dès le coup de sifflet final, une fantastique liesse s’est emparée de la France entière. Une ribambelle de supporteurs, fraternels et joyeux, ont célébré la victoire des Bleus, qui ont remporté, dimanche 15 juillet au stade Loujniki de Moscou, une deuxième Coupe du monde en battant (4-2) l’équipe de Croatie. D’un bout à l’autre du pays, la fête a été totale. De Paris – avec des Champs-Elysées en folie – à Marseille, en passant par Lille, Nantes, Rennes, Strasbourg, Montpellier ou La Réunion, tout un peuple, laissant pour un temps de côté ses querelles et ses divisions, a fait un rêve en bleu. Ce moment est d’autant plus précieux qu’il rassemble, dans toute sa diversité, à coups de drapeaux tricolores et de Marseillaise, un pays traumatisé par la succession d’attentats commis sur son sol depuis janvier 2015 et l’attaque contre Charlie Hebdo.
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La France a ainsi exprimé sa fierté et sa reconnaissance à des Bleus venus de loin, qui, en retour, lui ont dédié leur victoire et ont même salué « la République ». Au début de ce Mondial en Russie, les Bleus de Didier Deschamps, jeunes (26 ans de moyenne d’âge) et relativement inexpérimentés, étaient loin d’être favoris. A ces joueurs, issus pour la plupart des banlieues populaires de la région parisienne, il a fallu beaucoup de sueur, de larmes et même de souffrance pour faire triompher leur sens du collectif et de la solidarité. La réussite de Didier Deschamps, le capitaine victorieux de 1998, s’est aussi appuyée sur un « ascenseur social » qui a bien fonctionné : le repérage, la formation et la promotion des jeunes talents du football français, grâce à un tissu de clubs et d’éducateurs que les masses d’argent qui pèsent sur ce sport n’a jamais fait craquer. La précoce éclosion de Kylian Mbappé, 19 ans, en est un brillant exemple.
Regonfler le moral
Ce moment de bonheur collectif apporte aussi un cinglant démenti aux théoriciens rances d’une obsession nationale fondée sur le nom de famille ou la couleur de peau. Pour ces Bleus, aux parcours et aux origines multiples, qui se sont drapés dans des drapeaux tricolores, l’appartenance à la communauté nationale va de soi. En même temps, le pays ne va pas être transfiguré par cette seconde étoile. L’histoire a montré la fugacité de ces instants d’union nationale. L’euphorie provoquée par la victoire de 1998 n’a pas empêché, en 2002, Jean-Marie Le Pen de se qualifier au second tour de l’élection présidentielle. En 2005, l’explosion dans les banlieues a montré la persistance des fractures urbaines et sociales. Et l’esprit du 11 janvier 2015 s’est vite évanoui.
La France ne va pas se métamorphoser comme par enchantement. Les inégalités sociales ne vont pas s’effacer, le chômage de masse et la précarité ne vont pas disparaître. Les querelles et les polémiques qui sont notre lot quotidien vont vite réapparaître. La magie d’une gloire sportive est fugitive et ne suffit pas, à elle seule, à rétablir la cohésion sociale. Mais, pour autant, la France aurait tort de bouder son plaisir. Dans un climat politiquement et socialement morose, la victoire de l’équipe de France est susceptible de regonfler le moral des Français. Elle est un signe de confiance en sa jeunesse et offre une salutaire bouffée d’optimisme.
Quand Macron exulte avec les Bleus
Sortant de sa sobriété, le président de la République a fêté la victoire dans les vestiaires des joueurs français, dimanche soir.
LE MONDE | 16.07.2018 | Par Cédric Pietralunga
L’image a été saisie par le photographe de Vladimir Poutine, présent dans la tribune présidentielle du stade Loujniki, à Moscou. On y voit Emmanuel Macron en bras de chemise, hurler de rage, les deux poings levés, debout face à la pelouse, alors que l’équipe de France vient de marquer son premier but face à la Croatie.
Une image très peu protocolaire, immédiatement reprise sur les réseaux sociaux, où elle a été dénoncée par les adversaires du président de la République, qui y ont vu une tentative de récupération.

TOPSHOT – French President Emmanuel Macron
/ AFP / SPUTNIK / Alexey NIKOLSKY / RESTRICTED TO EDITORIAL USE – NO

Ces derniers jours, l’Elysée avait pourtant insisté : pas question de mettre le chef de l’Etat en avant et de donner l’impression de vouloir profiter du bon parcours des Bleus pour redorer une image ternie depuis quelques semaines, comme l’avait fait Jacques Chirac, en 1998. Pourtant peu adepte du ballon rond, l’ancien maire de Paris avait alors assisté à tous les matchs de l’équipe de France, participé à la « ola » dans les stades, embrassé le crâne de Fabien Barthez. Résultat : une envolée d’une quinzaine de points dans les sondages, alors que sa cote de popularité était au plus bas après la dissolution ratée de 1997.
« Le président veut être dans le partage mais pas dans l’appropriation de quelque chose qui appartient à tous les Français », assure-t-on dans l’entourage de M. Macron, établissant un parallèle avec l’hommage rendu lors des funérailles de Johnny Hallyday, en décembre 2017, « où le chef de l’Etat est un parmi les Français et partage un moment avec eux ». « Pas de récupération, le président de la République nous l’a demandé lors du dernier conseil des ministres. Bien sûr, on sera contents comme tous les Français, mais pas de mélange des genres », abondait un membre du gouvernement quelques jours avant la finale.
Les vertus de la réussite
Après le match, Emmanuel Macron s’est ainsi contenté sur son compte Twitter d’un sobre « merci » écrit en lettres capitales et adressé à l’équipe de France. Contrairement à son habitude, l’Elysée n’a diffusé aucune vidéo ni aucune image du président avec les Bleus.
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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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