« Le royaume de Wakanda, une Afrique du futur en miniature ? »

Libération – 
Birnin Zana, l’utopie africaine : Apparue dans le film «Black Panther», la capitale du Wakanda se rêve en synthèse d’un continent.

L’architecture de la ville rappelle des édifices au style brutaliste. Photo Marvel Studios. Walt Disney Pictures
Compas braqué sur l’Amérique, les conquistadors avaient tout faux. Ils ont franchi l’Atlantique pour dénicher un introuvable El Dorado, perçant la jungle au plus profond, massacrant les indigènes, suant le choléra, l’épée en main et la botte dans la tombe à des milliers de kilomètres de chez eux. Dévorés par l’Amazonie, les soldats ferraillaient sur le mauvais continent. Car la «cité d’or» existe bel et bien. Elle se trouve en Afrique de l’Est, au creux du Wakanda, un pays dont le sous-sol regorge d’un métal étincelant nommé vibranium.
Autarcie. Le petit royaume a utilisé sa ressource avec intelligence, investissant dans la recherche et l’innovation, devenant ainsi la nation la plus avancée de la planète. En réalité, sa plus grande richesse est peut-être son souverain éclairé, qui a su fédérer les différentes tribus de la région. Justicier à ses heures, le roi T’Challa parcourt le monde sous le masque de Black Panther. Longtemps, les journalistes ont parlé du Wakanda comme d’un Etat-poussière, un pays sans intérêt uniquement doté de collines, de brousse et de rhinocéros. Sa puissance et sa richesse étaient secrètes. Le Wakanda snobait la scène internationale. L’isolement était le prix à payer pour prospérer en paix.
Sa capitale, Birnin Zana, vit en autarcie, à l’abri du besoin. Des véhicules volants et un train magnétique circulent sur fond de tours géantes et de statues de Bast, la déesse panthère. Son architecture de pointe est faite de réminiscences. Elle rappelle les édifices au style brutaliste, l’immeuble La Pyramide d’Abidjan, la mosquée Djingareyber en argile de Tombouctou…

Réalisé par l’Afro-Américain Ryan Coogler, Black Panther est adapté d’un comic créé par les Américains blancs Stan Lee et Jack Kirby en 1966, qui dépeint les aventures du jeune T’Challa, fils de T’Chaka, prince du Wakanda et Panthère noire, premier super héros d’origine africaine.Des changements considérables au script comme à l’esthétique ont été apportés par l’équipe de Coogler pour faire de Black Panther la première superproduction afrofuturiste. Celle-ci dépeint, à travers Wakanda, son roi, ses sujets et son organisation politico-religieuse, une Afrique en miniature, non plus présentée comme archaïque et sous assistance, mais comme une nation alliant harmonieusement technologie de pointe et identité(s) africaine(s) assumée(s).
À Ibadan, au sud-ouest du Nigeria –comme partout sur le continent africain–, le public s’est rendu en masse aux premières projections de Black Panther. Le dernier blockbuster Marvel promet en effet de montrer pour la première fois à l’écran un super-héros noir et africain, régnant sur un royaume alliant tradition et technologie –bien loin de l’imagerie misérabiliste habituelle concernant l’Afrique subsaharienne, particulièrement dans les films d’action américains.
Birnin Zana est un fantasme debout. La métropole afrofuturiste voudrait faire la synthèse d’un continent immense. «Cela ressemble à une Afrique en miniature, estime l’anthropologue Emilie Guitard, directrice adjointe de l’antenne nigérianne de l’Institut français de recherche en Afrique. L’expression résume bien l’ambition du réalisateur de Black Panther et de son équipe, qui vise à reproduire la richesse d’un continent à l’échelle du royaume du Wakanda, aussi bien au niveau des bâtiments et des paysages que des accents ou des costumes. Cet aspect « pot-pourri » transparaît particulièrement dans les tenues vestimentaires : bijoux et turbans touaregs pour la tribu des marchands, parures turkana et massaï pour la garde royale, coiffure himba et tresses recouvertes de glaise pour la tribu des mines…»

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