Réseaux sociaux – Petit guide de savoir-vivre, savoir-faire avec la communication du XXIème siècle

Ne pas téléphoner, ne pas doubler le message sur un autre canal : petit guide du bon usage des réseaux sociaux
Accusé de réception levez-vous
Le monde bouge, la bienséance avec. Tout l’été, « M » dispense ses règles du savoir-vivre au XXIe siècle. Cette semaine, la conversation à l’ère de WhatsApp et de Messenger.
M le magazine du Monde | 27.07.2018  | Par Guillemette Faure
« Il est très impoli de s’emparer de la conversation et de condamner toutes les autres personnes au silence », écrivait la Baronne Staffe en 1889 dans Usages du monde : règles du savoir-vivre dans la société moderne. Aujourd’hui, l’équivalent de cette muflerie serait de truster un groupe WhatsApp en y postant dix-neuf photos par jour.
Autant dans la vie réelle il est possible d’échapper à l’oncle qui monopolise la conversation du repas en prétextant des cafés à servir ou un enfant à coucher, autant dans la vie numérique, c’est une autre paire de manches. En cas de départ volontaire s’affichent de peu discrets bandeaux « Mathilde a quitté la conversation » (sur Facebook ou Messenger) ou « Pierre a quitté le groupe » (sur WhatsApp).
Laisser cyber-radoter sans offenser
C’est probablement en réalisant le manque de savoir-vivre de nos contemporains que les développeurs ont mis à notre disposition des options moins agressives (les boutons « Masquer » sur Twitter, « Sourdine » sur Instagram, « Masquer la publication » sur Facebook…), dont on recommande l’emploi pour laisser quelqu’un cyber-radoter dans le vide sans l’offenser.
Faire face aux flux d’informations numériques oblige chacun à s’inventer des règles, parfois au détriment de ses interlocuteurs. Ainsi en est-il de l’apparition regrettable d’annonces de répondeur précisant de ne pas laisser de messages. Une hérésie ! Les fax n’ont jamais répliqué à la réception d’un document en demandant de ne pas envoyer de fax. Les boîtes aux lettres n’ont jamais répondu à un courrier par une missive requérant de ne pas envoyer de lettre.
Quant à enregistrer des justifications à rallonge (« Je ne suis pas disponible, je suis en réunion ou sur mon deux-roues… »), en plus de rompre avec le « Never explain, never complain » des bonnes manières les plus élémentaires, cela force l’interlocuteur à écouter un message plus long que celui qu’il a été autorisé à laisser. Mieux vaudra indiquer : « Vous pouvez me joindre à telle adresse mail ou tel numéro. »
Pour s’épargner toute vexation, on évitera simplement de téléphoner. Dans la vie professionnelle, appeler les gens sans les avoir contactés d’abord par écrit est de plus en plus perçu comme grossier. Envoyer un message est moins intrusif et laisse à la personne concernée toute latitude de choisir le moment opportun pour répondre, en plus d’économiser un quart d’heure de discussion et d’offrir des preuves en cas de différend à venir…
Ne pas relancer par un second canal
La Baronne Staffe se moquait de ceux qui persistaient à cacheter leurs lettres à la cire après l’invention des enveloppes gommées. Pour vivre avec son temps, on signalera sa modernité en prenant contact par Facebook Messenger, la messagerie d’Instagram, WhatsApp ou Slack.
Et on s’interdira d’envoyer un message en guise d’accusé de réception, comme ces SMS « As-tu vu mon message sur WhatsApp ? » ou ces e-mails « Je ne sais pas si tu as reçu mon message sur Messenger ». Le recours à un second canal de communication pour appuyer le premier doit être réservé aux arrière-grands-parents qui décrochent leur téléphone pour avertir leur interlocuteur qu’ils viennent de cliquer sur « Envoyer ».
Puisque beaucoup de « suroccupés » ont désactivé les notifications de leurs messageries et que les lignes fixes sont désormais réservées aux gens qui veulent vous vendre des fenêtres, le SMS sera le moyen le plus efficace d’atteindre votre destinataire. Si celui-ci ne vous répond pas, ce n’est pas parce que vous n’avez pas employé le bon canal, mais parce qu’il n’en a pas envie, même si l’argument « Je ne consulte pas mes mails/ce compte/ce réseau » reste l’excuse la plus couramment employée.
Par prudence, certains estimeront judicieux de toujours répondre par le canal par lequel ils ont été contactés. Mais si quelqu’un annonce le décès d’un proche sur Facebook, cliquer sur l’icône « Triste » ne vous dispense pas d’envoyer des condoléances manuscrites.
Laisser un message lorsqu’on s’absente
« Lorsqu’on part en voyage, on fait une tournée de visites chez toutes ses connaissances, pour leur apprendre qu’on quitte la ville et leur épargner un dérangement inutile », conseille la Baronne Staffe. « Si on ne les trouve pas, on dépose une carte cornée, sur laquelle on a tracé les trois lettres consacrées P.P.C (pour prendre congé). »
Aujourd’hui, il est courtois de laisser un message automatique pour annoncer qu’on est absent. Donnez la date de votre retour, mais jamais celle de votre départ : vos interlocuteurs n’ont pas besoin de pouvoir totaliser vos semaines de vacances !
La Baronne Staffe recommandait aussi de donner son adresse « et de la répéter dans toutes ses lettres » pour « épargner le temps d’autrui ». On veillera toutefois dans ses mails à ce qu’elle ne soit jamais plus longue que le corps du message. Ce qui n’est pas toujours le cas, à force d’appels à ne pas imprimer pour respecter les forêts d’Amazonie, de mentions juridiques sur les responsabilités engagées et le droit à la déconnexion du salarié.
Ainsi, un e-mail de quinze mots, « J’ai une bouteille de champagne, je serai là vers 19 h 30. A tout’ », accompagné des phrases « Nous travaillons avec flexibilité chez L’Oréal. Je vous envoie cet e-mail maintenant parce que cela me convient, mais je ne m’attends pas à ce que vous le lisiez et y répondiez en dehors de vos heures de travail habituelles » est bien trop déséquilibré, en plus d’être hypocrite, puisque l’on compte bien ouvrir cette bouteille ce soir.
A proscrire également, les signatures pesant des kilo-octets qui forcent le destinataire à chercher une meilleure réception pour son smartphone afin d’ouvrir la pièce jointe, pour finalement découvrir le logo de la Cogip. Quant aux personnes décédées, il est aujourd’hui plus compliqué de savoir après combien de temps il est possible de les retirer de ses contacts. Le risque étant, en cliquant trop vite sur « Supprimer », de voir le fantôme du mort venir vous taper sur l’épaule en vous demandant comment vous avez pu l’oublier si vite. Le savoir-vivre et le savoir-mourir nous recommandent de garder dans notre cloud des proches littéralement dans les nuages.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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