Alternatives Économiques – Bénédicte Weiss – 06/08/2018 –
Depuis longtemps déjà, la végétation est présente en ville : pelouses, arbres, parcs et squares, jardinières aux fenêtres, sans oublier ces brins d’herbes sauvages qui s’obstinent à pousser dans les interstices du macadam, sur les trottoirs ou les parkings. Mais désormais on trouve aussi des toitures et des façades plantées et des plans locaux favorisent la végétalisation des villes. A Rennes, lauréate 2016 de l’opération « Capitale de la biodiversité », de nouveaux espaces verts ont été créés à la faveur des opérations de renouvellement urbain par la collectivité et des associations. A Paris, le plan « Végétalisons la ville » entend, d’ici à 2020, planter 30 000 nouveaux arbres (il y a aujourd’hui près de 100 000 arbres d’alignement), ajouter 30 hectares (ha) de jardins publics aux 500 existants1 et 100 hectares de murs et de toits végétalisés (sur 44 hectares à fin 2013).
Ces initiatives sont bienvenues dans des zones urbaines souvent moins marquées par un manque absolu de végétation que par sa très inégale distribution. Pour reprendre le cas de Paris, ses 3 327 ha d’espaces verts représentent le tiers de la superficie de la ville (10 500 ha), mais ce chiffre intègre les 1 800 ha des bois de Boulogne et de Vincennes ainsi que 600 ha de jardins privatifs, soit plus de 70 % de l’ensemble des espaces verts. Résultat : on observe de très fortes disparités entre le quart nord-est de la ville (moins de 1 m2 d’espace vert par habitant) et les zones boisées (plus de 10 m2).
Des collectivités locales schizophrènes
Les politiques de végétalisation urbaine répondent à plusieurs objectifs : préserver et entretenir la biodiversité, réduire les « îlots de chaleur » et s’adapter aux accidents climatiques, améliorer la qualité de vie et la santé des habitants. Le sujet n’est pas mince : les villes françaises ont gagné 35 400 km2 en superficie (+ 42,5 %) de 1982 à 2011, selon l’Insee (soit près de trois fois l’Ile-de-France) et cet étalement urbain fragmente les milieux naturels, au détriment de la biodiversité. Comme le fait observer Gilles Lecuir, de Natureparif, organisme en charge de la biodiversité en Ile-de-France, « bien des collectivités très engagées dans la végétalisation continuent pourtant d’adopter des plans locaux d’urbanisme qui se traduisent par une poursuite de l’artificialisation2 des sols ». La végétalisation des villes est devenue un élément de la politique des « trames vertes », des corridors écologiques dont le déploiement est prévu par la loi Grenelle de 2009. Dans ce même esprit, la loi biodiversité adoptée à l’été 2016 a imposé en particulier le verdissement des toitures et des parkings de tous les nouveaux centres commerciaux.
Une augmentation de la surface de la végétation parisienne de 34 % permettrait de perdre jusqu’à 2 °C lors d’une canicule semblable à celle de 2003
La régulation du climat ambiant est un autre objectif de la végétalisation urbaine. L’idée n’est pas neuve : de la Méditerranée à la Mésopotamie, en passant par l’Égypte, toutes les cités antiques connaissent les vertus des jardins arrosés et des arbres d’ombrage. Mais avec le réchauffement climatique, le sujet tend à devenir pressant. L’ombre fournie par les arbres et le phénomène d’évapotranspiration (évaporation de l’eau du sol conjointement à la transpiration des plantes) sont bien connus pour rafraîchir l’air des îlots de chaleur urbains3. Ainsi, selon une étude de Météo France, une augmentation de la surface de la végétation parisienne (feuillages des arbres et pelouses) de 34 % permettrait de perdre jusqu’à 2 °C lors d’une canicule semblable à celle de 2003. Cet été-là, un écart de 8 °C avait été observé entre le centre de Paris et la grande couronne. Ce rafraîchissement relatif conduirait à moins utiliser la climatisation et à économiser ainsi jusqu’à 13 % d’énergie (pour une température intérieure de 26 °C). Ce calcul est toutefois assez théorique, puisqu’il faudrait pour cela que cette végétation additionnelle soit répartie dans toute la ville. Par ailleurs, pour que la végétation transpire suffisamment, il faudrait l’arroser chaque nuit… et donc consommer beaucoup d’eau en pleine canicule.

Espaces verts par habitant, en mètres carrés