Europe – Autriche : Danse avec le tsar, l’extrême droite autrichienne convia Vladimir Poutine à la noce

Le président russe a assisté samedi aux noces de Karin Kneissl, la ministre autrichienne des affaires étrangères, alors que Vienne préside actuellement le conseil de l’Union européenne.
LE MONDE 19.08.2018 | Par Blaise Gauquelin (Vienne, correspondant)
Les collines boisées du sud-est de l’Autriche auront servi de décor à la séquence politique la plus surréaliste de l’année. Dans un folklore digne de La Mélodie du bonheur, Vladimir Poutine est venu assister au mariage de la ministre autrichienne des affaires étrangères, Karin Kneissl, 53 ans, qui épousait, samedi 18 août, un entrepreneur, Wolfgang Meilinger.
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Parmi la centaine d’invités conviés à la noce par cette ancienne journaliste nommée par le sulfureux parti autrichien de la liberté (FPÖ, extrême droite), tous en costumes traditionnels, figuraient le chancelier Sebastian Kurz (ÖVP, conservateur), le vice-chancelier Heinz-Christian Strache (FPÖ) et le secrétaire général de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) Mohammed Barkindo.

Le jour de son mariage, la ministre autrichienne des affaires étrangères, Karin Kneissl, danse avec Vladimir Poutine, le 18 août à Gamlitz. ROLAND SCHLAGER / AFP
« Poutine est l’adversaire le plus agressif de l’UE »
Tout sourire, le président russe était visiblement en forme. Devant une foule en liesse brandissant des iPhones pour immortaliser la scène, il a valsé quelques minutes avec la reine du jour, avant de laisser des chanteurs cosaques, qui avaient fait le déplacement avec lui, se produire pour l’assistance. Puis il s’est fendu d’un discours très amical en allemand, une langue qu’il maîtrise bien. Il a enfin inscrit à son tour un petit mot doux sur le capot de la Coccinelle blanche des tourtereaux, avant de s’éclipser, pour aller retrouver Angela Merkel en Allemagne.
Ces séquences, qui tournent depuis en boucle dans les médias russes, sont inhabituelles : d’ordinaire, M. Poutine ne s’exhibe pas dans un cadre privé, quand il sait que les images filmées de l’événement ont des chances d’êtres rendues publiques. Mais pour lui, l’opération séduction au cœur de l’Europe ne semblait receler que des avantages évidents.
L’Autriche, elle, pourrait bien se réveiller lundi avec la gueule de bois. Car à la sidération succède une colère froide. Dans un rare élan unanime, l’ensemble de la presse du pays a déploré ce show coûteux. Les 8,7 millions d’Autrichiens tiennent plus que tout à leur sacro-sainte neutralité et Sebastian Kurz préside actuellement le Conseil de l’Union européenne (UE). Il représente donc officiellement les vingt-huit pays membres de l’UE et sa présence à la marge, samedi dernier, pourrait brouiller son image.
Sur Internet, les clichés montrant M. Poutine danser avec Mme Kneissl sont détournés. On les voit enlacés, les yeux dans les yeux, virevoltant devant la carcasse du vol MH17, abattu au-dessus de l’Ukraine en 2014, par un missile antiaérien de fabrication russe.
Critiques dans la majorité gouvernementale
Et alors que, par solidarité avec la Grande-Bretagne suite à l’affaire Skripal, les Etats-Unis ont adopté de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie, les critiques fusent au sein même de la majorité gouvernementale. « La mise en scène et le détournement d’un événement aussi intime à des fins politiques poursuivent une logique et un but qui m’échappent totalement », a réagi Othmar Karas, le chef de file des conservateurs autrichiens à Strasbourg, dans un entretien au quotidien Tiroler Tageszeitung.
Pour l’eurodéputé écologiste autrichien Michel Reimon, la coalition entre l’extrême droite et les conservateurs qui dirige l’Autriche depuis décembre 2017 sera désormais perçue comme « le bras armé du régime russe au sein de l’UE ». Il a réclamé la démission de Mme Kneissl, accusée de mettre la réputation de tout un pays à terre.
Quoi qu’il en soit, cette dernière, qui s’était proposée comme intermédiaire entre les Occidentaux et Moscou sur le dossier syrien, semble s’être faite des ennemis. Pour les Ukrainiens, en particulier, ses agapes laissent un arrière-goût amer. « A partir d’aujourd’hui, l’Autriche ne pourra plus jouer les médiateurs », a estimé Hanna Hopko, la présidente de la Commission des affaires étrangères au parlement de Kiev. Un cinéaste ukrainien, Oleg Sentsov, détenu en Russie pour des raisons politiques, est par ailleurs en danger de mort après trois mois de grève de la faim.
Les mots de Mme Hopko sonnent comme une menace sans précédent, pour un pays habitué à accueillir les plus grandes négociations diplomatiques depuis la fin de la seconde guerre mondiale, comme celles sur le nucléaire iranien jusqu’en 2015, et dont la capitale est le siège d’organisations internationales, comme l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Même l’ancien chancelier allemand, Gerhard Schröder, n’a pas osé convier M. Poutine à son mariage en octobre prochain, selon le magazine allemand Stern. Il y aurait renoncé : cela aurait fait trop de « tapages ».

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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