Arrêt sur images – Zemmour, non merci ! – tête de gondole du producteur d’Ardisson

La critique média, en toute indépendance
Télé publique : Zemmour, non merci !
Arrêt sur  images 21/09/2018 Daniel Schneidermann,
Il parait que Eric Zemmour est « interdit » sur les chaines de France Télévisions. C’est Pascal Praud qui le dit, promptement relayé par la fachosphère. Pascal Praud, vous savez, le salarié de Bolloré. Bolloré, vous savez, ce groupe qui n’en finit plus, depuis bientôt une semaine, d’inviter et de contre-inviter en boucle, de Morandini en Hanouna, tous les protagonistes, jusqu’au dernier, du dernier feuilleton Zemmour (si vous avez raté un épisode, notre savoureux montage-résumé est ici )
Zemmour « censuré » à la télé publique ? De fait, le même tuyau nous a été glissé dans l’oreille par la maison Albin Michel, éditeur de Zemmour. Et vérification faite, pour cette nouvelle promo -et à la différence de ses publications précédentes, qui lui avaient valu des invitations sur les chaînes publiques-, le polémiste raciste n’a été invité dans aucune émission de la télévision publique.
Cependant, France Télévisions, que nous avons sollicitée ces deux derniers jours, refuse de confirmer l’existence d’une consigne générale. Sans doute par crainte d’être accusée de censure. Nous ne savons donc pas si ce sont les producteurs d’émission qui, en cette rentrée, ont ressenti un ras’l’Zemmour généralisé, ou si une consigne informelle a été donnée. Dans cette cruelle incertitude, attendons-nous à voir monter dans les prochains jours, dans la fachosphère et ailleurs, la ritournelle praldienne (de Praud, n.p.) de la censure. Zemmour serait « bâillonné ».

Disons les choses simplement : aucun média n’est obligé d’inviter un auteur plusieurs fois condamné, et faussaire historique patenté, pas davantage qu’en leur temps, dans un autre registre, ils n’étaient obligés d’inviter Dieudonné ou Soral. Au nom de quoi, d’ailleurs, cette obligation ? Eric Zemmour, chroniqueur sur RTL et au Figaro, médias marginaux comme chacun sait, est-il privé de moyens d’expression ? Le cahier des charges des chaines de France Télévisions impose-t-il d’inviter régulièrement Eric Zemmour ? La constitution française impose-t-elle d’inviter Zemmour ? Eric Zemmour dispose-t-il d’un temps de parole réservé, garanti par le CSA ? Occupe-t-il une fonction officielle ? Zemmour est un auteur parmi les centaines d’auteurs qui publient des livres à la rentrée. Que des chaînes françaises choisissent -au risque d’audiences moindres- de consacrer du temps d’antenne à d’autres auteurs, plutôt qu’à Eric Zemmour, est donc un non-événement. Tout ce que l’on peut en dire, c’est qu’une distinction se trouve ainsi tracée, en France, entre service public et audiovisuel privé. Attention, opinion personnelle : ce n’est pas la pire manière de marquer une différence.

Zemmour, tête de gondole du producteur d’Ardisson
La critique média, en toute indépendance
Le matinaute 19/09/2018 Daniel Schneidermann,
Eternel retour de la déploration zemmourienne en deux temps. Premier temps, Eric Zemmour, à chaque publication de livre, vomit ses provocations pétainistes et xénophobes dans tous les micros tendus, et ils sont nombreux. Second temps : empoignade générale sur mon réseau social addictif préféré, sur le thème inusable de la liberté d’expression, de sa grandeur, de ses limites. Que faire pour contrer le poison Zemmour ?
Premier constat : on ne combattra pas Zemmour, pas davantage que Trump, en expliquant qu’il dit n’importe quoi, sur à peu près tous les sujets.  La réfutation factuelle de la logorrhée zemmourienne a été tentée et multi-tentée, ici et ailleurs. En vain. La clientèle de Zemmour, comme celle de Trump, est friande de n’importe quoi. Elle demande du n’importe quoi. Autre solution, la Justice. Arrêtera-t-on Zemmour en le poursuivant, et en le faisant condamner à chaque fois qu’il transgresse les lois anti-racistes ? Pour l’instant, on n’y est pas parvenu. Mais si les condamnations devaient se multiplier, allez savoir.

Faute de solution évidente, reste à porter l’attention sur le hors-champ : le dispositif qui installe Zemmour au centre de la scène, et les mécanismes de ce dispositif. Zemmour ne serait pas devenu Zemmour sans la complicité de puissants animateurs-producteurs de télé. C’est Laurent Ruquier qui, en l’installant cinq ans au poste de chroniqueur sur l’émission du service public On n’est pas couchés, l’a installé dans le paysage familier des téléspectateurs. Ruquier s’en est ensuite repenti, sans s’en repentir vraiment, tout en s’en repentant. Quant à Ardisson, son numéro de duettistes avec Zemmour est bien connu, et l’émission du week-end dernier, au cours de laquelle Zemmour s’en est violemment pris à une chroniqueuse noire, Hapsatou Sy, n’en est que le dernier développement. Anecdotiquement, on notera simplement, dans ce dernier incident en date, le sentiment d’impunité d’Ardisson. La chroniqueuse s’étant interrogée sur l’opportunité de la poursuite de sa collaboration, Ardisson l’a sommée de revenir « dans un bon esprit » (autrement dit, en subissant les insultes avec le sourire, et sous les applaudissements) ou de ne pas revenir.
Pourquoi Ardisson invite-t-il structurellement Zemmour ? Par connivence intellectuelle ? Pour faire de l’audience et du buzz ? Quand se rejoignent l’utile et l’agréable, pourquoi faire la fine bouche ? A cette lancinante question, apportons ce matin un élément supplémentaire.
Pour son émission Les Terriens du dimanche, Ardisson a un co-producteur, nommé Stéphane Simon. Ce producteur, outre qu’il est actionnaire de Télé Paris, société qui produit Les Terriens du dimanche, est un aussi actionnaire principal d’un nouveau site d’extrême-droite, La France LibreTV, co-fondé par le polémiste André Bercoff et l’avocat Gilles-William Goldnadel (par ailleurs chroniqueur dans cette même émission d’Ardisson, le monde est petit). Or, que découvre-t-on en se connectant sur La France libre ? Que les 100 premiers abonnés (au prix préférentiel de 40 euros au lieu de 50) recevront un cadeau. Quel cadeau ? Tiens, le dernier Zemmour, justement. Et dédicacé.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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