LA SEMAINE D’ANNE SINCLAIR
Le JDD 30/09/2018
La journaliste Anne Sinclair raconte Robert Badinter et Cabu, dans sa chronique pour le JDD. Les deux hommes sont mis à l’honneur cette semaine, le premier dans l’émission de France 2 Un jour, un destin, et le second dans l’album Cabu, une vie de dessinateur.

Badinter et Cabu. J’ai envie de les associer car l’actualité réunit ces deux hommes qui me sont ou m’ont été proches. Dimanche prochain, Un jour, un destin, de Laurent Delahousse sur France 2, sera consacré à l’avocat, au garde des Sceaux, au président du Conseil constitutionnel, un homme haï puis admiré avant de devenir la conscience de la gauche, et le sage de la République. Je l’avoue, j’aime Robert Badinter, je suis son amie, et le côtoie depuis bien longtemps. Le très bon film d’Alexis de La Fontaine en trace un juste portrait.
Il donne pour la première fois la parole à ses fils, Simon et Benjamin, qui parlent joyeusement et tendrement de leur père. Et bien sûr à sa femme, Elisabeth, elle-même symbole d’indépendance et d’autorité morale, fil rouge de ce récit où elle donne à comprendre avec douceur et finesse les blessures qui hanteront la vie de son mari, comme celle de la déportation du père de celui-ci, arrêté par Klaus Barbie presque sous ses yeux.
Badinter l’énigmatique
J’ai surtout retrouvé l’homme que j’ai connu dans les années 1970, habité jusqu’à l’obsession par son combat contre la guillotine, après l’exécution de Roger Bontems dont il fut l’avocat, plaidant fiévreusement à l’Assemblée l’abolition de la peine de mort dont il avait convaincu Mitterrand. J’ai revu les insultes dont l’agonissait l’extrême droite pour son prétendu laxisme, allant jusqu’à organiser sous ses fenêtres une manifestation presque séditieuse de policiers.
Je me suis rappelé sa colère, mémorable, la voix rugissante, crachant aux manifestants qui sifflaient Mitterrand au Vél’ d’Hiv’ en 1992, que seul le silence est supportable dans un tel lieu, et que « les morts nous écoutent quand on parle d’eux« .