En Europe, l’écologie gagne des élections…

Charlie Hebdo – 24/10/2018 – Jean-Yves Camus –
Nicolas Hulot a quitté le gouvernement en estimant que la société civile faisait progresser la cause environnementale plus vite et plus profondément que la politique. C’était peut-être désespérer un peu vite des électeurs, qui viennent d’envoyer plusieurs signaux prouvant qu’ils comprennent l’urgence du défi climatique.
Une prise conscience inédite

D’abord, l’énorme progression des Verts dans la très conservatrice Bavière, où les écologistes sont devenus le 14 octobre la seconde force politique derrière la droite catholique (CSU), reléguant le SPD (1) au fond du classement. Peu importe si la CSU refuse encore de gouverner avec les verts : après un été et un automne caniculaires comme jamais, le score des écologistes démontre une prise de conscience inédite et bouleverse le rapport de force avec des sociaux-démocrates encore très liés au monde du salariat de l’industrie. Quand 170 000 bavarois qui votaient à droite en 2013 basculent vers les verts, de même que 200 000 socialistes, il se passe quelque chose. Surtout dans le monde rural où, certes on n’est pas nécessairement en phase avec les idées écologistes sur la famille ou l’immigration, mais où l’on comprend que le mode de vie traditionnel, le monde paysan risquent de ne pas survivre au réchauffement climatique. Pour attirer de tels électeurs, il faut avoir une grande souplesse tactique.  
En général plus proches de la gauche sur les questions de société, les écologistes savent aussi être pragmatiques. C’est ce qui vient de se produire à Stockholm, où les Verts viennent de s’allier à un parti de centre droit, les Modérés, pour évincer de la mairie de la capitale la social-démocrate Karin Wanngard. Surprenante au premier abord, cette coalition est le fruit d’un marchandage : les Verts retirent une épine du pied de la droite en lui permettant de se passer de l’appoint de l’extrême droite; et ils obtiennent deux concessions, le refus du projet d’ouverture d’un Apple Store géant en centre-ville et, surtout, l’abandon du dossier de candidature pour les Jeux olympiques d’hiver de 2026. Il faut dire que les premières vraies stations de ski sont à deux heures et demie de route de la ville, ce qui promettait un bilan carbone désastreux, en plus du bétonnage intensif.
Les écologistes belges, eux aussi, ont frappé un grand coup, des deux côtés de la frontière linguistique. Progressistes, ils s’allieront au maire de Bruxelles, Philippe Close, et peut-être à celui de Liège, Willy Demeyer. Pragmatiques, ils feront avancer leur agenda avec les libéraux et les chrétiens centristes dans d’autres communes en Wallonie et à Bruxelles. On ne peux que se réjouir de la traduction électorale de la prise de conscience écologiste. Parce que l’opposition binaire entre une droite productiviste et une gauche « écologiquement consciente » est fausse dans les faits, tant cette dernière peine à penser et à agir en dehors du modèle de la croissance industrielle.

(1) Le Parti social-démocrate d’Allemagne, qui a été fondé en 1875, est le plus vieux parti politique d’Allemagne.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
Cet article, publié dans Ecologie, Europe, est tagué . Ajoutez ce permalien à vos favoris.