Et la dette, on en fait quoi ?

Mémorandum ACiDe  – Audit Citoyen de la Dette (Belgique) – septembre 2018 – Extraits-
 
L’objet même de l’audit citoyen est de dire que cela vaut la peine de vérifier… Puisque ce sont bel et bien les citoyen·ne·s qui, en bout de course, sont appelé·e·s à payer cette dette, elles et ils sont en droit de savoir précisément ce qu’on leur réclame. Il est normal de vérifier la facture et son bien-fondé.
Cela en vaut la peine car la dette nous coûte cher, car elle justifie une diminution des services à la population, qu’elle limite l’exercice de la démocratie et qu’elle compromet les choix des générations futures. Cela en vaut la peine car ses origines peuvent être en partie illégales et/ou illégitimes.
N’oublions pas qu’en France, les banques (dont Dexia) ont réalisé des prêts toxiques illégaux aux collectivités locales (mais aussi à des hôpitaux ou des organismes de logement public), et ce dans la plus grande opacité, jusqu’à ce que des groupes d’audit citoyen fassent la lumière sur cette pratique. Dans un autre registre, il est utile de vérifier dans chaque commune s’il existe des dépenses ne servant pas l’intérêt de l’ensemble de la population, qu’elles soient légales ou non. Inversement, l’abandon de taxes utiles et légitimes participe de l’endettement des communes qui empruntent pour compenser leur manque de recettes.
Cela en vaut la peine car quand bien même on supposerait qu’il n’y a aucun problème de légalité et/ou de légitimité de la dette, n’est-il pas utile et important que les citoyen·ne·s d’une commune en connaissent l’histoire ? Citons notamment la dette issue de la guerre, ses restructurations successives, l’évolution des recettes dans le temps mais aussi des intérêts payés aux créanciers, les liens avec les pensions, avec les sauvetages bancaires, etc.
Cela en vaut la peine car il est indispensable de ne pas laisser la dette aux « experts », qui maintiennent les citoyen·ne·s éloigné·e·s de ce qui les concerne au premier ordre. Les partis qui prétendent représenter les citoyen·ne·s et se mettre à leur service ne peuvent pas accepter de laisser cette question, et les choix quotidiens qui l’entourent, à l’appréciation des « experts » juste parce qu’elle leur semble trop complexe.
Diminuer le poids de la dette dans le budget

Est-il normal de dédier des centaines de millions d’euros pour payer des banques, alors que celles-ci sont responsables de la crise, et alors qu’il manque cruellement de moyens, pour faire sortir de nombreuses personnes de la pauvreté, de la précarité et de l’exclusion , mais aussi pour développer les transports en commun, les pistes cyclables, la culture locale, les logements sociaux, les crèches, les espaces verts, pour rénover certains bâtiments importants, pour prendre soin des écoles, des piscines, des hôpitaux, etc ? Le droit international répond de manière très claire à cette question : les droits humains sont supérieurs aux droits des créanciers !
Partout dans le monde, des localités démontrent qu’il est possible de faire autrement. Par exemple, en Espagne, de nombreuses municipalités ont – entre autres – exigé la restitution d’intérêts abusifs ; diminué la partie du budget dédié au paiement de la dette ; stoppé des PPPs (partenariats publics-privés) coûteux sur le long terme; annulé certaines mesures d’austérité  ; poursuivi des responsables de détournements d’argent public ; arrêté la prolifération de grands projets inutiles ; décidé d’arrêter de travailler avec certaines banques ; etc.
Attention, il ne s’agit pas de dire que la dette est mauvaise en soi. L’endettement peut évidemment s’avérer nécessaire et utile pour des investissements, lorsqu’il profite à l’ensemble de la population et non à une minorité déjà privilégiée, lorsqu’il s’opère à taux d’intérêt bas et lorsqu’il n’est pas conditionné par les créanciers.
Revendications
Oser questionner et mettre en débat le poids de la dette dans les dépenses nationales et communales. De nombreuses solutions existent et doivent être débattues.Voici quelques propositions à questionner et à compléter : • Réaliser un audit de la dette pour arrêter de rembourser les dettes illégitimes et/ou illégales  ; • Renégociation des emprunts en cours, intérêts comme capital (dans d’autres conditions que ce qui se fait actuellement) ; • Reprise totale ou partielle inconditionnelle par une autre entité ; • Plafonnement du service de la dette (comme cela s’est déjà fait dans d’autres pays) ; • Diminution ou suppression des taux d’intérêt par changement du cahier des charges ou par le financement direct d’une banque publique qui peut se financer à un taux bas -0,5 à 1,5 % auprès de la Banque centrale européenne ; • Recours à des sources de financement alternatives; • Arrêt de certaines dépenses inutiles ou néfastes ; • etc.
Ces dérives mènent à la primauté des « experts » sur la délibération démocratique. Ce n’est pas un hasard si ces « experts » proviennent le plus souvent du secteur privé. Toutes les nouvelles normes servent directement ou indirectement l’ouverture de nouveaux marchés au privé en lui déléguant de plus en plus la gestion du publique.
Créer une commission d’audit citoyen permanente.
Les citoyen·ne·s et les partis responsables doivent refuser la complexification en cours de ces questions qui nous désarme et nous rend dépendant·e·s des « experts ». Il faut refuser la main-mise sur nos villes des grands cabinets d’audit et des banques. La proposition des budgets participatifs est bienvenue pour commencer à se réapproprier ces questions, mais ils ne suffisent pas. Ils ne concernent généralement qu’une partie très réduite du budget et se limitent aux dépenses, sans permettre aux citoyen·ne·s d’intervenir sur les recettes. Il faut aller beaucoup plus loin et travailler à créer une commission d’audit citoyen permanente. Celle-ci s’occuperait d’analyser la gestion passée des finances communales, dette incluse, mais surtout leur gestion en temps réel et les choix relatifs à celle-ci.
Comment ça pas d’alternatives ?
• Il y a cinq mille ans, en Mésopotamie, quand les dettes étaient trop importantes, les rois les annulaient, purement et simplement !
• Et tant qu’on est dans les vieux machins, le roi de France Philippe le Bel, au 14e siècle, a carrément envoyé ses créanciers sur le bûcher ! • L’Équateur, en 2014, a suspendu les remboursements d’une partie de ses dettes, pour investir dans la santé et l’éducation. Il n’y a pas eu de représailles.
• Une commune de Bretagne a gagné un procès contre la banque Dexia. Une dette a été annulée par la justice à cause du taux d’intérêt qui avait bondi de 4 % à 24 %.
• En Espagne la plateforme des affecté·e·s par l’hypothèque gagne aussi des procès contre les banques, et empêche les expulsions !
• Les Islandais avaient forcé leur gouvernement à laisser couler les banques. Ils ont même mis des banquiers en prison !
• En Espagne, l’audit citoyen de la dette publie sur internet toutes les informations sur les comptes des villes et des provinces, et près de 800 élus ont signé un appel à la lutte contre les dettes illégitimes !
• La charte des Nations Unies, dans son article 103, précise que les États ne peuvent pas mettre en péril le bien-être de la population pour rembourser des créanciers.
• En Grèce la commission d’audit a prouvé que 80 % de la dette est illégale !

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
Cet article, publié dans Economie, est tagué . Ajoutez ce permalien à vos favoris.