Narbonne, capitale de la radioactivité ?

Siné Mensuel – octobre 2018 Maxime Carsel –
La ville occitane accueille la plus grande décharge de déchets uranifères en Europe : 400 000 m2 de boues de décantation. Avec de lourdes conséquences sur la santé des riverains. L’été dernier, l’acteur Pierre Richard, du haut de ses 84 ans, a gravi l’oppidum de Montlaurès, près de Narbonne, dans l’Aude, par une matinée caniculaire. Son objectif ? Observer par lui-même les étendues de déchets du site de Malvési.
« J’ignorais qu’on était pollué au radon ici, avec la mer et la nature, on ne pense pas être exposé à ça« , explique-t-il à la rédaction. Et pourtant, ce site est la porte d’entrée en Europe de l’uranium depuis 1959. Le minerai importé de plusieurs pays sous forme de concentré minier (yellow cake) est purifié et transformé sur le site en tétrafluorure d’uranium (UF4). Quels que soient les mots savants : de la merde !

En près de soixante ans, 500 000 tonnes d’uranium ont été produites à Narbonne Malvési. Cela représente environ le quart de la production mondiale d’uranium traité et c’est l’unique site européen. Tous les déchets solides et liquides de la production d’uranium ont été stockés ici durant les six dernières décennies.  Cela constitue la plus important décharge de déchets uranifères en Europe : 400 000 m3 de boues de décantation sont stockées dans des bassins saturé côtoyant les cultures (vignes, céréales), proches des habitations riveraines et des premiers quartiers narbonnais.
André Bories, docteur en sciences, directeur de recherche honoraire à l’Inra et président de l’association Rubresus (association de protection et sauvegarde de l’environnement des basses plaines de l’Aude) lutte depuis de nombreuses années pour dénoncer cette pollution : « Orano (nouveau nom d’Areva) a choisi de retraiter les déchets liquides par un procédé thermique de combustion des nitrates avec du charbon. Ce procédé va  volatiliser à 800°C les effluents dans l’atmosphère. » Ce projet d’incinération a été nommé sans rire, « Thor » par Orano.
Cerise sur le gâteau, à la suite d’une rupture de digue d’un des bassins en 2004, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a fait des prélèvements sur les boues qui se sont répandues aux alentours. Le verdict fut attendu : des éléments radioactifs qui n’auraient jamais dû se trouver là comme le plutonium, l’américium ou le technétium ont été détectés.  Le potaux roses a été rapidement découvert : « En fait, entre 1960 et 1983, Malvési a recyclé en catimini de l’uranium« , explique brièvement André Bories. En d’autres termes, le site a pratiqué de l’enrichissement non déclaré, et a contaminé les stocks de boues déjà contaminées par le nitrate. Double peine pour tous !
L’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a démontré en 2007 la présence de plutonium dans le blé d’un champ voisin. « Il y a du radon 222, un gaz radioactif qui s’échappe en permanence. Ce radon se transforme à son tour en produits radioactifs encore plus toxiques comme le polonium ou le plomb.« , ajoute André Bories. Quid des impacts sur la santé ?
« L’IRSN cite un chiffre de 3 000 décès par an en France par cancer du poumon attribué au radon, deuxième cause de cancer du poumon après le tabac. D’après nos calculs, pour le bassin d’habitation narbonnais, soit 80 000 habitants, le nombre de décès serait de 24 par an, soit 720 sur les trente dernières années d’activité maximale du site et 720 supplémentaires pour les trente prochaines années. » Le Radon d ela Méduse, c’est une peinture grandeur nature peinte par Orano, que vous pourrez contempler pendant des millions d’années au musée en plein air de Malvési.
Après plusieurs mobilisations en centre-ville de Narbonne, les opposants au projet se tournent vers la Région./ Archives Ph. Leblanc / La Dépêche –

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