L’Union européenne vole au secours des pauvres petites multinationales

Charlie Hebdo – 07/11/2018 – Jacques Littauer –
Les firmes multinationales posent un problème simple : elles sont trop grosses. Plus personne, même pas leurs P-DG, le peut contrôler la BNP, McDonald’s, Total ou Disney.Ces entreprises ont conquis leurs marchés par la publicité, grâce à un produit jugé utile à un moment, grâce au soutien d’un État puissant, et par d’autres petits trucs (Corruption, chantage, racket…).
Aujourd’hui, elles minent le seul instrument dont disposent les États pour éviter l’effondrement social : l’impôt. Les dernières tentatives de Bruno Le Maire pour taxer Google, Amazon, Facebook et Apple (Les Gafa) au niveau européen, dont il est difficile de dire si elles sont sincères où i elles vident à amuser la galerie médiatique, ont, encore une fois, échoué. Évidemment : aucun autre gouvernement européen ou presque n’en veut.
Mais si Nike est aussi riche, ce n’est pas parce que le monde se serait mis  soudainement à courir; il a au contraire de plus en plus souvent le cul dans une bagnole. En revanche, les sportifs de la marque font rêver de New-Delhi à Stockholm, et celles et ceux qui peuvent s’en offrir une paire se comptent désormais par centaines de millions, si ce n’est en milliards. Un fait sans précédent dans l’histoire de la pompe, mais aussi de l’humanité.
A l’inverse, les États voient leurs ressources fiscales s’éroder toujours plus, puisqu’il n’est pas possible d’attraper les entreprises aux semelles de vent. Les voilà donc incapables d’assainir l’environnement, d’assurer une éducation de qualité à tous, ou de bien soigner toute la population – même en France.
Et c’est là que surgit la deuxième lame du rasoir : vous, pauvres États, n’en pouvez mais ? Ne bougez pas. Vittel va alimenter les villages d’Afrique en eau potable. EDF va vous fournir en énergie solaire, Total va décarboner la planète… Rien n’est trop gros pour nous, entreprises « responsables », qui n’avons qu’une idée en tête : faire le bien (avec votre pognon). 
Telle est en tout cas la position de l’Union européenne (UE), qui soutient à fond ces entreprises qui persécutent les militants environnementaux et syndicaux, déstabilisent les États faibles, se nourrissent d’un insoutenable et triste consumérisme, etc. L’UE fait ainsi tout ce quelle peut pour empêcher d’aboutir une initiative qui n’a vraiment pas besoin de cela pour échouer : la rédaction d’un traité international visant à rendre les firmes multinationales responsables sur le plan humain et environnemental.
En France, un minuscule progrès a été accompli l’an dernier, avec la loi qui impose un « devoir de vigilance ». Grâce à ce texte, les multinationales françaises (d’au moins 5 000 salariés en France) ainsi que les multinationales étrangères (ayant au moins 10 000 salariés dans l’Hexagone) doivent indiquer comment elles-mêmes, mais aussi leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France comme à l’étranger, préviennent toutes sortes de risques (environnement, droits humains, corruption).
Un début intéressant, mais bien loin de ce qu’il faudrait, c’est-à-dire rendre les entreprises juridiquement responsables de toute leur chaîne de production, sur tous les plans. C’est ce que le traité actuellement en discussion à l’ONU voudrait obtenir. Mais pour l’UE, il faudrait plutôt compter sur le « volontariat » des ogres privés, et, surtout, les « associer » aux discussions. Parce que sinon, ils se sentent exclus, et ça leur fait trop de peine.
– Pour aller plus loin, voir Les amis de la Terre, « Droits humains : l’alliance incestueuse de l’UE et des lobbies contre unn traité international contraignant pour les multinationales« . 15 octobre 2018 –  Extrait –
Le 15 octobre 2018 – Plus de 100 organisations et mouvements sociaux du monde entier se sont retrouvées à Genève pour soutenir l’adoption d’un traité onusien permettant de tenir les multinationales légalement responsables pour les violations des droits humains qu’elles commettent.
Une enquête des Amis de la Terre France, du CETIM, de l’Observatoire des multinationales et du Transnational Institute (TNI) révèle comment l’Union européenne s’oppose au processus depuis ses débuts, en portant les mêmes arguments que les lobbies du secteur privé, et en défendant obstinément des normes volontaires inefficaces. Le rapport Impunité made in Europe contient également une série d’études de cas contredisant par des faits concrets les discours selon lesquels les entreprises européennes seraient plus « vertes » et « responsables ».
Ces études de cas montrent qu’il y a un besoin urgent d’adopter un traité contraignant afin de combler les lacunes juridiques aux niveaux national et international, et de s’attaquer aux structures juridiques complexes des multinationales, pour que les sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre soient enfin tenues légalement responsables pour leurs opérations dans le monde entier… la suite sur le site Les amis de la Terre

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