Universités : un sabordage universel

Charlie Hebdo – 21/11/2018 – Jacques Littauer –
On ne sait pas encore si l’hiver sera rude, mais les universitaires n’ont ces jours-ci que ces mots à la bouche : « gel des postes ». De nombreuses universités ne remplaceront pas, en septembre prochain, les personnes qui vont partir à la retraite. Lille, Rennes-1, Paris-VIII, Paris-XIII, Orléans…, autant de mieux consacrés autrefois au savoir et aujourd’hui tombés au champ de déshonneur des « réformes ».
Il faut reconnaître que la chose a été bien faite : en 2007, les universités sont devenues de grandes personnes autonomes, avec l’adoption de la loi LRU (libertés et responsabilités des universités), dite loi Pécresse. Depuis, les facs gèrent tout : peinture, ordis, construction de nouveaux bâtiments, mais aussi – c’est là que tout se joue -, salaires.
Or, dans des dizaines d’universités,  la masse salariale est « trop » importante. Reims, Perpignan, Limoges, Lyon… et même Sorbonne ! Que faire ? Très simple : réduire le nombre d’enseignants.C’est ainsi que, dans une fac comme celle de Paris-XIII, située à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) où de nombreux membres du gouvernement ont leur résidence secondaire, on dénombre plus d’une centaine de postes d’enseignants vacants. Une centaine ! De même, cette année, à Paris-VIII-Saint-Denis, ce sont 7 postes sur 50 qui vont être pourvus. Soit quand même 84 % des postes non remplacés :  Sarkozy, qui délirait avec son « non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite« , est mis minable par la présidente de l’université, de gauche, bien entendu.
On enfonce les étudiants dans la pauvreté
L’université Paris VIII de Seine-Saint-Denis
Car les membres de ce richissime lieu d’enseignement, qui dispose des toutes dernières technologies du siècle passé (électricité, chauffage, tables et chaises, enfin quelques unes), ont reçu un courrier leur indiquant que l’université avait décidé de « réaliser une économie de 1,7 millions d’euros en 2019 grâce à la campagne d’emplois », afin de réduire le déficit « évalué avant cette décision à 4,2 millions« .
On n’accroît pas la charge de travail des enseignants restants, on ne détériore pas la qualité du service offert aux étudiants, à Paris-VIII. Que nenni. On mène une « campagne d’emplois » consistant à… ne recruter personne ou presque, c’est tout différent.
Et au nom de quoi ? Au nom de « la volonté politique de conserver l’université« . En effet, « par ce choix volontaire« , l’université « souhaite faire part à la tutelle de son engagement dans la maîtrise de la situation financière, tout en garantissant la continuité de ses missions« . Vous avez vu comme c’est beau ? L’université pauvre de banlieue, qui doit faire la belle devant le ministère afin qu’il accrédite ses diplômes, se saborde elle-même ! Le syndrome du bon élève, ou celui de Stockholm, on ne sait plus.
Lisons en cœur la foin du message : « Nous garderons la mémoire de cette campagne d’emplois, et continuerons à mener un dialogue serré avec nos tutelles afin d’être entendus sur la situation particulière de notre université dans un territoire déjà marqué par les inégalités économiques et la relégation sociale, avec le souci de défendre un service public d’enseignement supérieur  de qualité et ouvert à toutes et à tous.« 
Traduction : on baisse la tête et on s’enfonce dans notre pauvreté. Où plutôt, on enfonce les étudiants dans la pauvreté, parce que les présidents d’université ne poussent pas l’austérité jusqu’à renoncer à leurs propres primes, parfois considérables…

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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