Cette autoroute alsacienne qui coupe l’appétit

Charlie Hebdo – 21/11/2018 – Fabrice Nicolino –
La France entière crée son Cahier de doléances comme au printemps 1789. Enfermé dans ses nombreux castelets parisiens, le gouvernement rêve chaque jour d’un mode qui n’existe plus. Témoin parmi cent autres, l’affreuse histoire de l’autoroute urbaine de Strasbourg. Nous sommes au bord du Rhin et de l’Allemagne, à un point de passage clé du transport européen des marchandises inutiles. 
Les vaillants opposants (gcononmerci.org) Adressent le 12 octobre une lettre au président Macron. Elle est belle, simple, noble, et réclame un moratoire de manière à discuter sérieusement, arguments contre arguments, de l’intérêt à poursuivre le projet productiviste appelé grand contournement ouest (GCO). Imaginé dans les sordides années 70 des trente glorieuses, il consiste en la construction d’une autoroute à péage de 24 km – l’A355 -, qui servirait à désengorger l’A35, laquelle traverse Strasbourg.Il faudrait passer au travers de 24 communes, mutiler une zone agricole d’exception, le Kochersberg, détruire 10 hectares de forêt, sabrer quelques milieux d’un intérêt écologique indiscuté. Le tout au profit de la marche en avant des poids lourds.
Le gouvernement des coulées en béton Qui a gagné le gros lot ? Qui empocherait les milliards du péage pendant des dizaines d’années ? Vinci, qu’on ne présente plus, sous l’appellation de sa filiale à 100 % Arcos. Il faut lire la prose de ces gens, car elle imagine – si mal ‘ un monde que personne ne connaîtra jamais (1). On y lit que : « les préoccupations environnementales sont au cœur du projet« , on y parle « protection du cadre de vie« , « intégration paysagère« , « protection des milieux naturels » on y voit déferler des bataillons d’écologues et et de naturalistes. L’intention est claire : donner à croire que le résultat sera plus beau que le triste tableau actuel fait d’arbres têtards, de verdiers  et de cigognes, de myrtilliers et de flambés, de chats sauvages, de blaireaux et de grands hamsters.Mais revenons donc à la lettre du 12 octobre, qu’un conseiller pressé a peut-être utilisé dans quelque water-closet du palais de l’Élysée. Les braves du GCO rappellent des évidences. Et d’un, ouvrir un couloir à camions est évidemment contradictoire avec les engagements officiels de lutte contre le changement climatique. Et de deux, il est en fait impossible de compenser ailleurs les pertes écologiques associées sur place au chantier. Et de  trois, les collectivités locales, engluées dans les visions (dépassées), n’ont lancé aucun chantier sérieux pour une « mobilité durable au sein du sillon rhénan dans et à proximité de Strasbourg ». Et de quatre, malgré les obligations européennes, l’impact sur la santé publique n’a simplement pas été pris en compte.
La bagarre dure depuis des années, mais la lettre-a-Macron se terminait par un avertissement : faute de réponse sur la demande du moratoire avant le 22 octobre, les signataires se lanceraient alors dans une grève de la faim. Elle est en cours depuis cette date et peut-être aura-t-elle cessé au moment où vous lirez ces lignes. Mais pour l’instant, six héros tranquilles refusent de s’alimenter : Michel Dupont, Christine Ludes, Pierre Rosenzweig, Aurélie et sa sœur Rachel Khun, Elisabeth Dupreux. Certains ont perdu plus de 15 % de leur poids en une vingtaine de jours. 
Mercredi 31 octobre, soutien national aux grévistes de la faim. Jeûne collectif entre 12h et 14h, à Strasbourg et partout en France. Nous sommes pas opposés pour le plaisir d’être opposé. Des solutions alternatives au projet GCO sont possibles. Nous les avons regroupé dans un livret de 24 pages à télécharger en PDF
Du côté des pouvoirs, c’est l’infamie. Macron fait donner une vague conseillère, qui ne dit rien. L’entourage du préfet, à Strasbourg, laisse entendre à qui veut que la grève de la faim ne serait pas strictement suivie. Ce qui se passe est clair, et fini de rire. Macron et ses amis ont cédé, forcés, à Notre-Dame-des-Landes, et envoyé aux pelotes – là encore forcés – l’imbécile projet d’autoroute entre Saint-Étienne et Lyon. Désormais la ligne est dure, car il faut rassurer le business en lui montrant que ce gouvernement sera bien celui de la croissance et des coulées en béton.
Comment le faire céder ? Par la bagarre. Une immense bagarre nationale, ininterrompue, où l’on jettera toutes ses forces dans le chaudron. Tu vois une autre solution, lecteur chéri ?
+ de 300 arbres/arbustes replantés le 18 novembre 2018 pour un avenir sans GCO
(1) http://www.contournement-ouest-strasbourg.fr/les-enjeux/

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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