Le Canard enchaîné – 05/12/2018 – C. B. –
Édouard Philippe aurait intérêt à lire les travaux des intellos qui ont tenté d’éclairer l’action de ses prédécesseurs. « Investir dans l’internationalisation de l’enseignement supérieur », rapport (janvier 2015) de France Stratégie – un think tank rattaché à Matignon – l’affirme : « Une augmentation soudaine et forte [des frais de scolarité des étudiants étrangers] entraîne une chute brusque de leurs effectifs (Royaume-Uni en 1980, Suède en 2011)« .
Ainsi, lorsque Stockholm a décidé, en 2010, d’imposer aux étudiants extra-européens des frais équivalents au coût complet de leur formation, le pays a perdu en deux ans 70 % de cette catégorie d’élèves (hors programmes d’échange). Un tel diagnostic n’a pas empêché Édouard Philippe de définir, le 19 novembre, une nouvelle « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux » assez originale. Afin d' »augmenter leur nombre« , le gouvernement a décidé de multiplier leurs frais de scolarité par… seize en licence, quinze en master et neuf en doctorat ! Ce plan, intitulé sans rire « Bienvenue en France », vise à attirer 500 000 étudiants étrangers contre 300 000 aujourd’hui.
Lire : Étudiants étrangers : « L’augmentation des droits de scolarité heurte les fondements de l’université française » (Le Monde – 05/12/2018)
« Réserver la quasi-gratuité aux seuls citoyens français et européens qui s’inscriront demain dans une université française ne repose sur aucune justification objective. » Photo : hall de l’université Paris-II Panthéon-Assas. Alice Raybaud via Campus
Flambée boursière
Dès la rentrée prochaine, ceux-ci (extra-européens) devront débourser 2 770 euros (contre 170 euros actuellement) afin d’accéder au premier cycle universitaire, tandis que ceux de deuxième et troisième cycles auront à casquer 3 770 euros (contre respectivement 243 et 380 euros).
Christine Fernandez Maloigne, vice-présidente de la fac de Poitiers s’alarme : » « Nos étudiants étrangers – et encore plus les Africains – ont l’impression que la France leur ferme la porte au nez. APpoitiers, près d’un doctorant sur deux va être touché par cette mesure. Beaucoup de nos labos risquent d’être en péril. »
Pour faire passer la pilule, Philippe s’est engagé à tripler nombre de bourses offertes aux élèves venus d’ailleurs (21 000 contre 7 000 aujourd’hui). « Il faut impérativement que tous les étudiants étrangers sélectionnés ne renoncent pas pour des raisons financières », explique François Germinet, de la Conférence des présidents d’université.
A l’approche de Noël, il n’est pas interdit de rêver.