Le piratage de télégrammes de la diplomatie européenne met en évidence les lacunes dans la protection des réseaux de l’Union.
Le Monde 20/12/2018 Par Jean-Pierre Stroobants Publié le 20 décembre 2018
Le Conseil européen, à Bruxelles, le 14 décembre 2018. STEPHANIE LECOCQ / AFP
La lecture du New York Times daté du mardi 18 décembre a désarçonné une partie du personnel diplomatique du Service européen d’action extérieure (SEAE), à Bruxelles. Le quotidien révélait le contenu de câbles et de télégrammes, en principe confidentiels, volés grâce à une opération massive de piratage qui aurait duré au moins trois ans.
Les hackeurs se sont introduits dans le réseau de correspondance européenne (COREU) de l’Union (UE) et ont pu télécharger des milliers de documents après, semble-t-il, être parvenus à dérober les données et les codes d’accès de diplomates chypriotes.
Le COREU est le réseau de communication entre les vingt-huit pays membres de l’UE ainsi que les institutions (Conseil, Commission et SEAE). Il assure un flux régulier d’informations et facilite la coopération en matière de politique étrangère par le biais des chancelleries. Il permettrait aussi une prise de décision rapide en cas de crise.
En principe protégé, il véhicule de 25 000 à 30 000 messages par an, qui concernent la politique étrangère et de sécurité (PESC), les conclusions des conseils tenus par les ministres des affaires étrangères, les déclarations, les démarches diplomatiques de l’UE, etc.
Informations les plus sensibles
Les informations les plus sensibles, celles qui concernent notamment les grandes questions sécuritaires, transitent, elles, par un autre canal, crypté et hautement sécurisé, affirmait, mercredi, un ancien responsable des services de la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Federica Mogherini.
Les courriers révélés par le New York Times concernent une série de sujets internationaux, comme l’éventuelle relance du programme nucléaire iranien – que les Vingt-Huit tente à tout prix d’empêcher, tandis que le président américain a dénoncé l’accord signé à Vienne en 2015 – les inquiétudes soulevées par l’élection de Donald Trump en 2016 et la mise en œuvre de sa politique, la relation avec la Russie, ou encore les négociations commerciales et la migration.
L’un des câbles mentionne des discussions tenues entre des responsables de l’UE et le président Xi Jinping, à Pékin, en juillet. Le dirigeant chinois y compare les manœuvres d’« intimidation » de Donald Trump envers son pays à un « combat de boxe où tous les coups sont permis ».
« A Bruxelles, des responsables reconnaissent un défaut de prudence des institutions face à la technologie chinoise. »