Noir c’est noir

Charlie Hebdo – 09/01/2018 – Gérard Biard –

On va tous mourir. C’était mieux avant. La vie, c’est l’antichambre de la mort. La civilisation court à sa perte. La démocratie est un leurre. La liberté est une prison.  Il y a trop de noirs. Il y a trop d’arabes. Il y a trop de juifs. Il y a trop de blancs. Il y a trop de chinois. Toutes de salopes (même maman). On nous ment. La science nous détruit. Les vaccins, ça pique. Il n’y a qu’un Dieu, il nous veut du mal, mais c’est bon. Il n’y a plus de valeurs. Il n’y a plus de saisons. Les ténèbres nous guettent. Pff… 

On en pense ce qu’on veut de ces intellectuels, de ces militants et de ces politiciens qui professent que les Lumières, leur philosophie et leurs idéaux sont la source de tous les maux qui accablent la France, l’Europe et le monde, on peut les juger, à juste titre, réactionnaires, obscurantistes, facistoïdes, nationalistes, haineux, racistes, fielleux, aigris, complotistes, machos, obsédés par leur « identité » et imbus de leur nombril, illuminés, voire tout à la fois. Mais reconnaissez que leur principale caractéristique, c’est qu’ils sont chiants. Déprimés et déprimants.  Gais comme une corde de pendu. Ils ont fait un cauchemar et ils veulent obliger la terre entière à vivre dedans. Vous partiriez en vacances, vous, avec Eric Zemmour, Jean-Claude Michéa, Michel Houellebecq, Jean-François Colosimo, Régis Debary ? Sérieusement.

Pourtant, nous sommes obligés de les supporter à longueur d’année. Ils sont omniprésents. Ils occupent plateaux de télévision, tribunes de presse, cénacles universitaires, rayons de librairie et, bien entendu, blogs et réseaux sociaux. On leur déroule le tapis rouge, et leur pensée mortifère infuse à gauche comme à droite. Dénoncer la laïcité, remettre en cause la pensée scientifique, vomir la démocratie, rejeter l’universalisme, postuler que l » »identité » définit le citoyen, décréter, à propos de tout et de rien, qu’« il n’y a pas de hasard » est du dernier chic. Alors que nous devrions avoir la liberté et l’émancipation comme unique ligne d’horizon, leurs jérémiades poussiéreuses et toxiques nous entraînent dans la dépression. Leur claquer le beignet d’un éclat de rire n’est sans doute pas suffisant. Mais qu’est-ce que ça soulage.