Tanzanie : Un barrage contre nature

Siné Mensuel – mars 2019 – Maxime Carsel –
Tanzanie: le barrage de Rufiji aiguise les appétits!
Photograph: Michael Poliza/NG/Getty Images
Un projet de barrage pharaonique met en péril la plus grande surface protégée du monde. Depuis que John  Magufuli a été élu cinquième président de la Tanzanie, c’est l’effervescence dans le pays. « Ceux qui utilisent la contraception sont trop lâches pour alimenter une grande famille« , avait-il dit en septembre 2018, suscitant l’indignation générale. Après les arrestations d’hommes politiques du principal parti d’opposition, la mise au pas des principaux médias, le dernier coup de boutoir de celui qu’on surnomme « le bulldozer » concerne la construction d’un barrage hydroélectrique sur le fleuve Rufiji pour 2021.
Ce projet, dont le coût est estimé à 2,9 millions de dollars et dont la construction,d’ici à 2021, a été confié à la société égyptienne The Arab Contractors, est très critiqué par les défenseurs de l’environnement. Sur le papier, tout est nickel : d’une puissance de 2 100 Mwatts, l’édifice produira 5 920 gigawatts-heures par an, soit le double de la production d’électricité actuelle pour les soixante prochaines années.  pourtant, les raisons de le critiquer ne manquent pas.
D’une longueur de 100 km, l’ouvrage sera situé dans la réserve de Selous, la plus grande surface protégée du monde, inscrite au patrimoine de l’Unesco depuis 1982, et créera un réservoir d’eau de 1 200 km2, soit l’équivalent de la surface de la Martinique. Selous, c’est surtout la plus grande concentration d’éléphants, de lions, de buffles et surtout de rhinocéros noirs, tous déjà menacés par le braconnage.
TANZANIE : réserve naturelle de Selous va être rasée pour produire de l’électricité © Paula French/Shutterstock
En outre, le WWT affirme dans son rapport que « les moyens de subsistance de 200 v000 personnes« , chasseurs ou pêcheurs, seront directement menacés, et l’Onu a estimé que le projet était « gravement défectueux » en raison de son impact écologique et a appelé le gouvernement tanzanien à « l’abandonner définitivement« . 
De son côté, le président Magufuli annonce que le barrage se fera « quoi qu’il arrive », faisant fi des solutions alternatives possibles. 
« L’Afrique ne s’éveillera à son destin que lorsqu’elle aura cessé d’être le jardin zoologique du monde » écrivait Romain Gary. Mais de quel destin s’agit-il ? L’effondrement de la vie sur terre lié à l’urgence climatique ne devrait-il pas aiguiller le développement du continent noir en conciliant son progrès social et le respect des équilibres écologiques ? On verra ça à la prochaine COP, disait l’autre…
50 000, c’est le nombre de barrages dans le monde. Promu comme une « énergie verte », l’hydraulique est en fait « l’une des pires atteintes à la nature » et est responsable de 4 % des rejets de CO2, soit autant que le trafic aérien, d’après l’association River Watch. « Une rivière sur deux dans le monde est régulée par un barrage et 80 millions de personnes ont été déplacées » à cause des barrages au cours du siècle dernier. Les dommages environnementaux sont catastrophiques, au détriment de la population et des générations futures. « Les barrages apportent du prestige aux responsables politique,  du moins temporairement. Ils sont un symbole de pouvoir. Les responsables politiques peuvent ainsi s’ériger en « bâtisseurs » et en propulseurs d’économie. » Actuellement,  700 nouveaux barrages sont à l’étude dans le monde.
Lire aussi : TANZANIE : la réserve naturelle de Selous rasée pour produire de l’électricité – (Afrik21 – février 2019)

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