« Petit Futé: Corée du Nord »: l’auteur du guide nous raconte son aventure

Huffington Post – 20/03/2019 – Claire Tervé –
Dominique Auzias est le cofondateur du « Petit Futé » qui présentait ce 19 mars son guide sur la Corée du Nord.
« En venant en Corée du Nord, j’ai été heureux deux fois: quand j’y suis entré et quand j’en suis parti ». Dominique Auzias est le cofondateur des guides touristiques « Le Petit Futé » et ce mardi 19 mars, il a pu présenter son nouveau bébé « Le Petit Futé: Corée du Nord ».
Il s’agit du premier guide touristique Français dédié à ce pays où quelque 400 touristes hexagonaux seulement se rendent chaque année. Le créateur du bouquin s’est confié au HuffPost sur son voyage au nord de la péninsule coréenne qu’il a effectué il y a quelques années, et notamment sur les difficultés d’écrire un guide de 190 pages -et dont la parution est prévue le 27 mars- sur un État totalitaire où les libertés n’existent pas.
Pablo Bonfiglio via Getty Images – Pyongyang –
Des astuces pour faire perdre leurs repères aux touristes
« En venant dans ce pays, il faut savoir qu’à aucun moment vous êtes seul. Jamais ». Voilà qui en dit long. Comment donc écrire un guide sur un pays où tout est surveillé, interdit d’accès et contrôlé ?
« C’est difficile. Pour écrire ‘Le Petit Futé’, on doit découvrir, tester, chercher, déambuler. À Pyongyang et en province c’était impossible puisque les lieux accessibles aux touristes sont très restreints, il y a très peu d’hôtels, de restaurants et de lieux publics où ils sont acceptés. On n’est pas libre, alors trouver ‘le petit coin pittoresque au coin de la rue qui va vous faire rêver’, ce n’est pas possible », déplore-t-il. « Mais d’un autre côté, tempère Dominique Auzias, ce fut très facile d’écrire ce guide, car justement, il n’y a pas beaucoup de choix et tout est réalisé en amont. Une cinquantaine de restaurants, d’hôtels, on a vite fait le tour ». Ce qui n’empêche pas, par ailleurs, que le guide soit très complet.
« Le manque de liberté est omniprésent. Dès que je sortais, j’avais toujours une demi-douzaine de personnes avec moi pour m’accompagner, voir ce que je faisais, me demander où j’allais. Quand je demandais si l’on pouvait faire un détour, on me disait ‘non, ce n’est pas intéressant, on va vous montrer autre chose’. Ou lorsque je demandais une excursion ou que je voulais voir la ville le soir, on me répondait ‘personne ne sort la nuit, c’est trop dangereux. On vous fera visiter la ville demain’. Puis la visite était reportée deux jours plus tard, puis encore… et finalement elle n’avait pas lieu ».
Autre difficulté pointée par l’auteur: l’impossibilité de se repérer sur place. « Comme on se déplace en bus, transporté d’un point à un autre, c’est compliqué de reconnaître le chemin », explique l’auteur. D’autant que, sauf dans de rares cas, les véhicules ont uniquement le droit de tourner à droite. Ce qui rallonge les trajets considérablement et complique la mémorisation de la géographie urbaine. D’ailleurs, si les rues ont un nom, la numérotation est très compliquée voire inexistante.
Surveiller les paroles… et les actes
Dans le guide, il est bien précisé à plusieurs reprises qu’il faut être particulièrement vigilant en Corée du Nord, car certains impairs peuvent coûter cher et « les sanctions peuvent être lourdes (…) comme ce fut le cas pour l’étudiant américain Otto Warmbier« . D’où une conduite prudente conseillée aux voyageurs, comme « ne pas prendre de photo des aéroports, routes, ponts, gares » ou « ne pas jeter à la poubelle ou ne pas plier un journal où figure une représentation » des dirigeants actuels ou passés, mais « le rouler » ou le donner à son guide qui saura quoi faire.
Il faut ensuite faire très attention à ce que l’on dit, dans les lieux publics ou par téléphone, car rien ne garantit que vous n’êtes pas écouté. Il vaut mieux donc s’abstenir de critiquer le régime, le pays ou les habitants, sous peine de se retrouver dans une situation délicate. D’ailleurs, vous n’aurez pas beaucoup d’occasions de parler avec des habitants, voire pas du tout.
« De toute façon, les Nord-Coréens ne veulent pas rencontrer d’étrangers car ces derniers sont très mal vus. Le régime les a persuadés depuis des générations que les personnes extérieures sont des espions qui transportent des maladies, ou qui veulent détruire leur beau pays. Du coup ils restent à l’écart », précise Dominique Auzias. De plus, les guides eux-même sont intransigeants, car s’il se passe quoi que ce soit de suspect avec les touristes qu’il a à sa charge, c’est contre lui que le régime peut également se retourner.
Des paysages magnifiques et la démesure de la famille Kim
Malgré toutes ces restrictions, l’auteur a pu voir de nombreux lieux qui l’ont marqué et qui sont désormais soigneusement répertoriés dans le guide :
« Il y a des choses à voir. La Corée du Nord a des paysages magnifiques, des grandes montagnes, des vallées, des pains de sucre comme en Chine… Et à Pyongyang, il y a les grandes statues en hommage aux Kim, le mausolée de la famille, grand d’une quarantaine d’hectares où ont été enterrés le père et le grand-père de Kim Jong-un avec le train offert par Staline, leurs voitures de luxe et des millions de cadeaux. Il y a des monuments très anciens aussi« , énumère le globe-trotteur.
L’idée de consacrer un volume à ce pays si controversé est née de l’ambition « un peu folle » de publier un guide sur tous les pays du monde. « Voilà plusieurs années que nous y travaillons, bien avant que Donald Trump et Kim Jong-un décident de se rapprocher. Il ne sort que maintenant car il nous a fallu du temps pour trouver les bons interlocuteurs et parce que, au vu du nombre de touristes français annuels, ce n’était pas un pays prioritaire », nous explique le fondateur du « Petit Futé ».
Gavin Hellier / robertharding via Getty Images
Pourquoi donc faire un guide que peu de personnes, à priori, vont acheter? « Vous serez étonnée, mais nous avons remarqué que ce ne sont pas les voyageurs qui achètent le plus nos guides, nous répond Dominique Auzias. Ce sont aussi et surtout des gens qui veulent se renseigner sur un pays, ou se remémorer des voyages qu’ils ont déjà faits. C’est ce qu’il s’est passé avec notre édition Afghanistan par exemple. En l’occurrence, la Corée du Nord est aujourd’hui encore un pays très secret, mystérieux. Les gens vont avoir envie d’en apprendre plus et seront peut-être d’avantage tentés d’y aller ».
Le créateur du « Petit Futé » conclut: « Quoi qu’il en soit, lorsque vous revenez en France, vous êtes heureux de rentrer chez vous, où vous pouvez marcher seul sans que personne vous surveille ou vous en empêche. Où vous pouvez sortir le soir -car c’est interdit là-bas-, parler de tout et aborder des gens dans la rue. Où vous pouvez vivre, tout simplement. On ne se rend pas compte de la chance que l’on a. La Corée du Nord, c’est une vie en noir et blanc ».
HuffPost France / « Petit Futé » Corée du Nord / Au moment de la publication, le prix était de 17,95€

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