Après l’attentat de Christchurch, Facebook, Youtube et Twitter accusés de mal modérer les discours haineux

La diffusion en direct de la tuerie en Nouvelle-Zélande et la circulation de copies de la vidéo rappellent la facilité avec laquelle les messages néonazis peuvent circuler en ligne.
Le Monde Par Michaël Szadkowski et Damien Leloup 21 /03/2019
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A Christchurch, en Nouvelle-Zélande, lundi 18 mars, trois jours après l’attentat contre deux mosquées. DAVID MOIR / AFP
Vingt-neuf minutes. C’est le temps qu’il a fallu, vendredi 15 mars, avant qu’un utilisateur de Facebook n’appuie sur le bouton « Signaler » de la vidéo du terroriste d’extrême droite australien Brenton Tarrant. Ce dernier avait décidé de diffuser, en direct, sur le réseau social, grâce à une caméra connectée, l’attaque qu’il a menée contre deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, et au cours de laquelle il a tué cinquante personnes.
Quelques jours plus tard, la société fondée par Mark Zuckerberg a donné les chiffres du nombre de visionnage de cette vidéo ; elle a été vue « 200 fois pendant sa diffusion en direct », et près de 4 000 fois au total, avant sa suppression. Le réseau social note que personne ne l’a « signalée » avant la fin du direct du massacre, qui a duré dix-sept minutes en tout.
Les faits sont là : Facebook est une plate-forme où un terroriste peut diffuser le meurtre en direct de cinquante personnes pendant dix-sept minutes, sans en être empêché. Et cela, sans qu’aucun des « spectateurs » des faits (ces derniers ont vraisemblablement trouvé le lien vers cette vidéo sur le forum 8chan, connu pour son extrémisme) ne songe à avertir les équipes de modération.
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Suppressions à la chaîne de la vidéo de l’attentat
C’est ce qui motive, désormais, la pluie de critiques qui touche les réseaux sociaux occidentaux – principalement Facebook et YouTube – depuis cet attentat.
Les plates-formes sont notamment accusées de ne pas avoir agi assez vite ni efficacement pour empêcher la diffusion de ces images. Au point que des parlementaires américains ont de nouveau demandé à YouTube et à Facebook qu’ils viennent s’exprimer devant les élus sur la manière dont ils ont géré ces contenus.
Depuis le massacre, l’axe de défense de YouTube (dans un entretien au Washington Post) et de Facebook (dans un communiqué) s’est concentré sur les défis que représentait la modération de la vidéo, ou plutôt, du nombre industriel de copies ayant circulé après sa première diffusion. La demi-heure de présence sur Facebook du « live » de Brenton Tarrant a suffi à ce que d’autres utilisateurs la sauvegardent. Des milliers de personnes, au moins, ont ensuite cherché à la dupliquer, à la copier, à la republier, dans sa totalité ou en partie, sur Facebook, YouTube, Twitter et ailleurs sur Internet.
Les plates-formes ont donné, à ce propos, des chiffres qui donnent le tournis. « En vingt-quatre heures, nous avons supprimé 1,5 million de vidéos de l’attaque », a expliqué Facebook, ajoutant : « Plus de 1,2 million de ces vidéos ont été bloquées dès leur chargement. » Une précision laissant en creux comprendre qu’en tout, près de 300 000 vidéos du massacre ont pu être publiées sur son réseau en une journée. YouTube a, de son côté, évoqué des « dizaines de milliers de vidéos », tout en expliquant avoir dû renforcer ses équipes pour tenter de juguler le flux des copies tentant de se déverser sur son réseau.
Ces copies se sont aussi retrouvées sur des plates-formes de téléchargement, comme The Pirate Bay, et de nombreux sites alternatifs de partages de vidéos, plus permissifs que YouTube sur les contenus publiés. Au point qu’en Australie, des fournisseurs d’accès à Internet ont décidé, le 19 mars, de bloquer l’accès aux sites qui hébergent une copie : parmi eux, les forums 4chan, 8chan, et la plate-forme vidéo LiveLeak.
Au bout du compte, la plupart des visionnages de la vidéo (dont le chiffre exact est impossible à déterminer) sont le fait de répliques du « live » de Brendon Tarrant. Elles ont été publiées par d’autres utilisateurs, en dépit des appels des autorités à ne pas le faire.
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Michaël Szadkowski et Damien Leloup

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