Elections européennes : les gauches sont en voie de dislocation

Dans l’incapacité de s’unir, les partis de gauche vont aller à la bataille les uns contre les autres, avec des prévision calamiteuses. Et le PS, qui fait liste commune avec Place publique, risque la dilution de son identité sociale-démocrate, explique Michel Noblecourt, journaliste au « Monde ».
Le Monde 21/03/2019 Par Michel Noblecourt
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Analyse. Les élections européennes du 26 mai, c’est déjà l’histoire d’un naufrage, celui des gauches engagées sur la voie d’une dislocation. Dans le Parlement de Strasbourg sorti des urnes en 2014, la gauche et les écologistes comptaient 23 sièges sur les 74 députés français. Dans deux mois, ce chiffre risque d’être divisé par deux. Après ses lourdes défaites à la présidentielle et aux législatives de 2017, la famille progressiste est plus que jamais fracturée.
En perte de vitesse, La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon n’a pu éviter d’étaler au grand jour ses dissensions internes. Europe Ecologie Les Verts (EELV) peine à préserver l’unité des écologistes. Dernier épisode en date, Pascal Durand, son secrétaire national de 2012 à 2013, s’apprête à rejoindre la liste de La République en marche (LRM). Génération.s, le mouvement lancé par Benoît Hamon après son cuisant échec à la présidentielle de 2017 (6,36 %), ne décolle pas. Le Parti communiste, miné par ses divisions, tente de ne pas mourir avant son centenaire en 2020. Et le Parti socialiste (PS), en survie artificielle, a abandonné, pour la première fois depuis 1979, la tête de liste aux européennes, à un non encarté, Raphaël Glucksmann, qui a créé Place publique (PP) il y a quatre mois.
Le jeu des places perdues
Cinq listes de gauche vont donc aller à la bataille les unes contre les autres, et les enquêtes sont calamiteuses. Selon le sondage quotidien de l’IFOP-Fiducial, réalisé le 19 mars auprès d’un échantillon de 1 500 personnes, EELV et LFI sont à égalité à 7,5 %. La liste PP-PS est créditée de 5,5 %, celle de Génération.s de 3,5 % et celle du PCF de 2 %, soit un total pour l’ensemble des gauches de 26 %… En d’autres termes, les gauches vont jouer dans le futur Parlement européen au jeu des places perdues. Il faut pourtant donner acte à Olivier Faure, qui fêtera le 7 avril le premier anniversaire de son élection au poste de premier secrétaire du PS, de n’avoir cessé depuis un an de plaider pour un rassemblement de la gauche non mélenchoniste et des écologistes, jugeant à juste titre que la division s’avérerait mortifère.
Telle était aussi l’ambition de Raphaël Glucksmann, un intellectuel peu connu du grand public – « en dehors du cercle des bobos parisiens de Saint-Germain-des-Prés, c’est un parfait inconnu », relève méchamment un ancien ministre socialiste – qui voulait unir la gauche non mélenchoniste et les écolos. Même M. Hamon, bien que réticent à s’allier avec le PS, son ancien parti, avait imaginé une « votation citoyenne », aux contours très flous, pour faire l’union de ces gauches. Mais son initiative a rapidement pris l’eau.
A l’arrivée, M. Faure et M. Glucksmann ont échoué. La liste que conduira le fondateur de Place publique, loin du large rassemblement espéré, sera composée pour moitié de candidats estampillés PS et pour moitié des candidats venus de PP, de la société civile et de divers groupuscules – Nouvelle Donne, Cap21, le parti de Corinne Lepage, ancienne ministre de Jacques Chirac, l’Union des démocrates et des écologistes (UDE), voire ce qu’il reste du Parti radical de gauche – qui s’y agrégeront.
« C’est une mauvaise plaisanterie », a taclé l’ancien ministre Stéphane Le Foll, pour qui Place publique « n’a ni ligne, ni portée, ni consistance »
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Michel Noblecourt

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