« A Chinon, un poulailler cinq étoiles pour distribuer des œufs gratuitement »
Le Monde 20/04/2019 Frédéric Potet
Dans sa chronique, Frédéric Potet revient sur l’initiative de l’association Les Jardiniers des Hucherolles pour produire des « œufs éthiques », sans maltraitance animale.
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Chronique. Dans le milieu de l’architecture, Lorenzo Piqueras n’est pas un inconnu. Ce spécialiste des musées a notamment aménagé, en 2005, la salle des Etats, au Louvre, le lieu d’exposition permanent de la Joconde. A Chinon (Indre-et-Loire), où il vit, Lorenzo Piqueras vient de dessiner un espace d’un tout autre genre, moins prestigieux en apparence : un poulailler.
Réalisé bénévolement pour le compte d’une association dont il est lui-même adhérent, Les Jardiniers des Hucherolles, l’édifice en bois de 6 m² est un ravissement pour l’œil, avec sa nef centrale, son escalier en rondins et ses six pondoirs encadrés de panneaux qui s’ouvrent et se ferment manuellement. « Objet urbain posé dans la ville », selon son concepteur, la structure offre au regard d’infinies variations de formes et de lumières, dans une sorte d’« hommage au Corbusier », dit encore Lorenzo Piqueras.
Le poulailler du quartier des Hucherolles, à Chinon. Lorenzo Piqueras
D’un coût de 7 300 euros, le logis à volailles a été installé sur des pilotis en chêne, afin de faire obstacle à l’humidité, l’ennemi n° 1 des poules domestiques
Inauguré le 29 mars aux Hucherolles, le quartier populaire des hauts de Chinon, ce poulailler cinq étoiles héberge six gallinacés issus de trois races différentes (géline de Touraine, coucou de Rennes, marans). Picota, Céline, Amarante, Célestine, Grisette et Léonore – leurs prénoms – devraient pondre, chacune, entre 180 et 200 œufs par an, destinés à être distribués gratuitement, chaque vendredi, à la population.
L’association n’est pas à son coup d’essai en matière de partage de denrées. A son initiative, un potager en libre-service, des carrés à légumes et un verger comptant une quarantaine d’arbres fruitiers ont été créés dans le quartier ces dernières années, dans une démarche visant à inciter les citoyens à prendre en charge eux-mêmes leur alimentation.
Avec sa vue imprenable sur la vallée de la Vienne qui coule au loin, le poulailler « collectif » des Hucherolles est doublé d’une dimension symbolique, comme l’explique Henri Barrault, le chef de projet au sein de l’association : « Nous avons décidé, dès le départ, de faire un beau poulailler. Il aurait été déplacé de construire une vulgaire cabane à poules sous prétexte que les gens vivent, ici, dans des logements sociaux. » Lorenzo Piqueras confie, de son côté, avoir eu besoin de onze mois pour concevoir l’objet, soit « autant de temps que pour un bâtiment classique ».
« Des « réponses » du même type ne manquent pas, désormais, dans la filière de la poule, animal rustique par excellence, soumis à une maltraitance parfois extrême »