Pour la sécurité de la cathédrale, il n’y avait pas le feu…

Le Canard enchaîné – 24/04/2019 – Christophe Labbé et Hervé Liffran –

ECO CLEMENT/UPI/MAXPPP – Flowers are laid before Notre Dame Cathedral after a giant fire was put down in Paris 16 April 2019. French President Emmanuel Macron vowed to rebuild the 13th century building that welcomes tens of millions of worshippers and tourists per year. Photo by Eco Clement/UPI (MaxPPP TagID: maxbestof079521.jpg) [Photo via MaxPPP]

Après avoir accumulé les bévues, les responsables de la cathédrale ont mis trente-cinq minutes pour alerter les pompiers. Certaines mesures de prudence édictées par les architectes n’étaient pas respectées. Des fils électriques couraient même dans la charpente millénaire…
Les pompiers chargés d’éteindre l’incendie de Notre-Dame ont été appelés… trente-cinq minutes après la première alerte incendie. Et non vingt minutes, comme cela a été officiellement annoncé? C’est l’une des découvertes les plus brûlantes des policiers de la brigade criminelle qui enquêtent depuis le 15 avril sur le sinistre.
Si les soldats du feu, une fois prévenus, sont arrivés rapidement sur les lieux, ces trente-cinq minutes aveint déjà rendu le brasier totalement incontrôlable. Et, comme l’ont constaté les limiers de la cri, ce retard dévastateur s’explique par une série d’erreurs humaines.
Reconstitution chronologique : 
18h16 : au PC sécurité de la cathédrale, un voyant lumineux s’allume sur le tableau de contrôle des détecteurs de fumée, indiquant un problème dans les combles. Deux personnes sont aussitôt dépêchées pour vérifier la réalité de l’alerte. Comme le prévoit un protocole passé entre  les services du ministère de la Culture et le clergé, l’agent de permanence prévient auss – mais discrètement – le personnel de la sacristie, afin de laisser aux prêtres un délai de cinq minutes pour « gérer » l’office en cours et éviter la panique. Des fidèles se souviennent avoir vu le prélat qui officiait se mettre à tourner à toute vitesse les pages de… son livre de messe.
18h21 : les sirènes finissent par retentir et le public est prié d’évacuer les lieux… avant d’être invité à revenir à sa place pour cause de fausse alerte.
Pourquoi ? Envoyés sur les toits, le régisseur et un agent de sécurité de la cathédrale se sont trompés d’endroit et n’ont donc rien pu détecter ! Aucun rapport avec un bug informatique. Ils accusent aujourd’hui l’employé du PC sécurité (de la société Elitys) de leur avoir fourni des infos erronées. Ce que démentent, furax, les patrons d’Elitys contactés par « Le Canard ».
Aux environs de 18h30, les sirènes mugissent de nouveau, et les fidèles déguerpissent de la cathédrale. Des témoins racontent avoir vu, à ce moment là, des petits débris noirs qui commençaient à voltiger depuis la clé de voûte du transept, située à la verticale de la flèche.
Entre 18h40 et 18h50, le régisseur et son adjoint arrivent enfin à localiser les flammes à la base de la flèche. Avertis à 18h51, les pompiers dépêchent alors leurs premiers engins depuis la caserne la plus proche. Ceux-ci arrvent sur place juste avant 19 heures. 
La crim privilégie aujourd’hui la piste du court-circuit. Parmi les suspects : les moteurs des ascenseurs des échafaudages et les boîtiers électriques nécessaires aux travaux. Sauf que tous ces équipements se situaient loin du point de départ présumé du sinistre. Les policiers s’interrogent également sur la tenue du chantier mené par Europe Échafaudage. En audition, des ouvriers ont reconnu qu’il leur arrivait – malgré l’interdiction stricte – de fumer sur les échafaudages. Plutôt fumasses, les policiers ont déjà retrouvé sept mégots sur les lieux. La police mégote
D’autres failles de sécurité, pour l’instant ignorées de policiers, sont en train d’apparaître. Exemple : le plan anti-incendie établi entre 2013 et 2015 par la direction régionales des affaires culturelles. Il prévoyait la mise en place, dans la sacristie, d’un PC sécurité, avec présence 24h/24, de deux surveillants payés par l’État. En fait, il n’y en a jamais eu qu’un seul – le salarié d’Elytis -, et il n’était présent que de 8 heures à 23 heures. La nuit, il ne restait que le concierge pour assurer la sécurité… depuis le fond de son lit !
Autre souci : les colonnes sèches. Ces tuyaux fixes chargés d’alimenter les lances étaient bien en place dans les tours et au sommet du transept, mais, d’après les pompiers, leur diamètre ne permettait pas de délivrer plus de 200 à 500 litres par minute – le débit pour éteindre un départ d’incendie, mais pas un brasier de grande ampleur. Résultat ? Les premiers soldats du feu ont rapidement dû battre en retraite, avant de remonter plus tard à l’assaut, armés, cette fois, de lances quatre ou cinq fois plus puissantes. Mais trop tard pour sauver la charpente.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
Cet article a été publié dans Débats Idées Points de vue. Ajoutez ce permalien à vos favoris.