Le JDD 04/06/2019 Juliette Rigondet
Dans ce récit sensible, Juliette Rigondet restitue le quotidien d’une petite ville du Cher, Dun-sur-Auron, lieu depuis le XIXe siècle d’une expérience psychiatrique innovante désignée sous le nom de « colonie familiale pour aliénés ». Pour la première fois en France était tentée une solution alternative à l’enfermement des malades mentaux, qui aujourd’hui encore divise les plus grands spécialistes.
À la fin du xixe siècle, face à la faillite de l’asile où l’on retient, plus qu’on soigne, les « aliénés » dans des établissements surpeuplés, des psychiatres réfléchissent à une solution alternative. Pourquoi ne pas faire sortir de ces hôpitaux les « incurables tranquilles » en les installant, contre rétribution, dans des familles, à la campagne ?
Le conseil général de la Seine décide, en 1891, de tenter l’expérience. Un an plus tard, la petite ville de Dun-sur-Auron, dans le Cher, est choisie pour accueillir, « à titre d’essai », la première « colonie familiale pour aliénés » en France. L’essai est si concluant que le nombre de familles prêtes à héberger des patients augmente de façon exponentielle. En 1913, la colonie de Dun compte plus de 1 000 malades mentaux pour environ 4 000 habitants. Appelé aujourd’hui « Accueil familial thérapeutique », ce mode de soins existe toujours à Dun, même si les patients y sont moins nombreux qu’autrefois.
En s’appuyant sur les archives hospitalières et sur des témoignages de patients, de familles d’accueil, de villageois, Juliette Rigondet raconte l’histoire de ce lieu à part dans la psychiatrie française et reconstitue l’existence de ces hommes et de ces femmes qui ont fait partie, jusqu’à leur mort, de la vie quotidienne des Dunois. Elle nourrit ainsi la réflexion sur ce que notre société fait des « fous » et de l’Autre.
Juliette Rigondet est journaliste, auteure (Le Soin de la terre, Tallandier, 2016) et anime des ateliers d’écriture littéraire. Elle a passé son enfance, en grande partie, à Dun-sur-Auron.
Un ouvrage pour raconter le lien historique entre Dun-sur-Auron et la psychiatrie
Le Berry républicain 27 mai 2019
Au travers de son ouvrage Un village pour aliénés tranquilles, Juliette Rigondet met en lumière le lien historique, et qui perdure, entre le village de Dun-sur-Auron et la psychiatrie.
Après le Soin de la terre, la journaliste Juliette Rigondet livre un témoignage passionnant sur la psychiatrie à Dun-sur-Auron, dans son ouvrage Un village pour aliénés tranquilles, paru début mai aux éditions Fayard.
« Ils sont nombreux à sillonner la petite ville. Lorsqu’il fait trop chaud, ou trop froid, ou que la fermeture hebdomadaire des commerces, le lundi, vide les rues du centre, ce sont surtout eux que l’on voit dans la “Grande rue”, au square, sur les places, devant la bibliothèque municipale, dans les cafés, au supermarché.. Attendre, observer, se rencontrer. Passer le temps. »
Dun, première « colonie familiale » en France
Un écrit qui parle de l’arrivée des « malades », des « patients », des « pensionnaires », des « petits fous » dans le village dunois, à la fin du XIXe siècle, pour délester les asiles psychiatriques parisiens. Également pigiste à l’Histoire et animatrice d’ateliers d’écriture, Juliette Rigondet s’est appuyée sur trois années de recherches et de rencontres pour nourrir sa réflexion.
« J’ai voulu faire exister ces hommes et ces femmes auxquels nous n’avons pas beaucoup fait attention »
Mais pas seulement. « J’ai grandi à Dun-sur-Auron, où je suis allée à l’école jusqu’à mes 10 ans, dévoile l’auteure. J’ai toujours été touchée par ces personnes que je voyais, et qui étaient différentes. D’autant que mon oncle et ma tante, étaient, eux aussi, touchés par la maladie psychique, ce qui m’a rendu sensible à cette histoire. J’ai voulu faire exister ces hommes et ces femmes auxquels nous n’avons pas beaucoup fait attention. »
Juliette Rigondet est remontée jusqu’en 1892, année de l’arrivée du premier contingent de patients à Dun-sur-Auron. D’une vingtaine au départ, le nombre de malades a rapidement augmenté pour atteindre le chiffre record de 1.500 en 1939.
Un succès dû à la tolérance des habitants. « Tous vivaient en symbiose », raconte Louis Cosyns, maire de Dun, avec des histoires aussi « belles que malheureuses ». Mais une expérience qui doit également sa réussite au levier économique offert par le placement de ces malades, à une époque où le département du Cher était fortement touché par la baisse des salaires dans le monde rural, le chômage et l’exode.
« Aujourd’hui, nous avons perdu cette image de “village de fous” »