Siné Mensuel – septembre 2019 – Blandine Flipo –
Attention, l’abus de tofu perturbe le microbiote des occidentaux !
Désormais, manger de la viande, ça craint. Il vaut mieux être vegan. Pourquoi pas, mais s’il y a un truc dont, végan ou pas, nous ne devrions pas nous gaver, c’est bien de tofu ou de soja tout court.
Le tofu, c’est ce mélange gélatineux blanc, délicieux dans une soupe miso, pas si fameux dans un faux steak vegan. Car il fait office de succédané de viande. A priori, le calcul n’est pas idiot : le soja est bien doté question protéines. Et, à force, certains arrivent à le cuisiner pas trop mal.Dans certaines cantines, il est proposé aux gamins. Sauf que le soja contient des isoflavones, dont la daidzéine, qui sont des perturbateurs endocriniens.
L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a d’ailleurs pondu une recommandation en 2004 fixant sa limite d’exposition à 1 mg d’isoflavones par kilo de poids corporel par jour. Et interdisant d’en donner aux enfants de moins de 3 ans ! Limite que l’association Que Choisir a d’ailleurs dénoncée en 2019, jugeant que le soja était désormais partout et bien caché (Vous saviez que les galettes au miel bio en étaient bourrées ?).
Il était impératif de muscler cette limitation – message aux producteurs qui en fourrent partout, le soja n’étant vraiment pas cher. Et de rappeler qu’en Asie, le tofu et le tempeh sont élaborés avec des trempages plus longs pour éliminer les vilains isoflavones.
Vous vous demandez sûrement pourquoi les Asiatiques peuvent en manger autant ? La réponse est données par le chercheur Marc-André Sélosse (1). Selon le microbiologiste, le microbiote de nombreux asiatiques contient une bactérie qui métabolise la daidzéine en un isoflavone plutôt protecteur. Donc, à moins de se faire greffer un intestin asiatique, apprenons à nous méfier du tofu !
(1)
Nous savons aujourd’hui que les microbes ne doivent plus seulement être associés aux maladies ou à la décomposition. Au contraire, ils jouent un rôle en tous points essentiel : tous les organismes vivants, végétaux ou animaux, dépendent intimement de microbes qui contribuent à leur nutrition, leur développement, leur immunité ou même leur comportement. Toujours pris dans un réseau d’interactions microbiennes, ces organismes ne sont donc… jamais seuls.
Au fil d’un récit foisonnant d’exemples et plein d’esprit, Marc-André Selosse nous conte cette véritable révolution scientifique. Détaillant d’abord de nombreuses symbioses qui associent microbes et plantes, il explore les propriétés nouvelles qui en émergent et modifient le fonctionnement de chaque partenaire. Il décrypte ensuite les extraordinaires adaptations symbiotiques des animaux, qu’ils soient terrestres ou sous-marins. Il décrit nos propres compagnons microbiens – le microbiote humain – et leurs contributions, omniprésentes et parfois inattendues. Enfin, il démontre le rôle des symbioses microbiennes au niveau des écosystèmes, de l’évolution de la vie, et des pratiques culturelles et alimentaires qui ont forgé les civilisations.
Destiné à tous les publics, cet ouvrage constitue une mine d’informations pour les naturalistes, les enseignants, les médecins et pharmaciens, les agriculteurs, les amis des animaux et, plus généralement, tous les curieux du vivant. À l’issue de ce périple dans le monde microbien, le lecteur, émerveillé, ne pourra plus porter le même regard sur notre monde.
Professeur du Muséum national d’Histoire naturelle, Marc-André Selosse enseigne dans plusieurs universités en France et à l’étranger. Ses recherches portent sur les associations à bénéfices mutuels (symbioses) impliquant des champignons, et ses enseignements, sur les microbes, l’écologie et l’évolution. Il est éditeur de revues scientifiques internationales et d’Espèces, une revue de vulgarisation dédiée aux sciences naturelles. Il est aussi très actif dans ce domaine par des conférences, vidéos, documentaires et articles.