Passe-moi le sel nitrité !

Le Canard enchaîné – 23/10/2019 – Conflit de Canard –
Taxer l’E250, c’est l’amendement qui reste en travers de la gorge des fabricants de charcutaille. Si la charcuterie est estampillée « cancérigène probable pour l’homme » par l’Organisation Mondiale de la santé depuis 2015, c’est essentiellement à cause des « sels nitrités », comme on les appelle aussi, lesquels, ajoutés à la viande, provoquent de cochonneries en termes de santé.
C’est la raison pour laquelle le député MoDem Richard Ramos a, dans le cadre du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, déposé un amendement, qui frappe d’une dîme de 10 centimes d’euros par kilo de sels nitrités les charcuteries saupoudrées de E250. Un poil embêtant quand on sait que les sels nitrités allongent la durée de vie des charcuteries prétranchées – et pas qu’un peu : jusqu’à 28 jours avec de l’E250, contre 10 jours sans – et qu’ils donnent un joli teint rose vif au jambon et consorts tout en diminuant le temps de fabrication.

Sitôt prévenus de la folle idée du parlementaire, les industriels de la charcuterie se sont décarcassés pour tenter de la faire capoter. Nombre de députés ont ainsi reçu une bafouille leur expliquant par le menu combien cette initiative était une très mauvaise idée. Le document, rédigé par la Fédération des industriels charcutiers-traiteurs (FICT) pour ses adhérents, avançait notamment que les charcutiers français étaient 20 % en deçà des 150 milligrammes par kilo de saupoudrage maximum autorisé par la ,réglementation européenne.  Pour la petite histoire, l’actuel président de la FICT connaît sur le bout de la fourchette les rouages de l’administration, pour avoir été le numéro deux de la Direction générale de l’alimentation au ministère de l’Agriculture. 
Parmi les autres arguments massue assénés par le lobby de la saucisse et du jambon nitratés, le spectre du botulisme, dont les sels nitrités sont censés nous protéger? une baliverne puisque la centaine de producteurs du Consortium du jambon de Parme, qui, depuis 1993, ont renoncé à l’E250, n’ont jamais eu à déplorer un seul cas de botulisme chez leurs clients. Avec, en prime, l’épouvantail économique : la taxe mettrait carrément en péril la filière.
Comme s’il était en contact télépathique avec la FICT, la rapporteur LRM du projet de loi a finalement demandé une « étude d’impact » pour l’industrie charcutière. On aura encore une fois tenté de nous prendre pour des jambons…

A propos werdna01

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