Mélenchon, fossoyeur de la gauche ?

Du journal politique alternatif Le Connard – Novembre/décembre 2019 – Sarah Godard –
Le gars a toujours eu des dents qui rayent le parquet et il s’accroche obstinément à son trône, malgré le désamour d’une grande majorité  des Français et des sympathisants de gauche à son égard. Restera-t-il dans l’histoire comme étant celui qui aura divisé la gauche pour mieux se l’approprier… avant de la condamner à une agonie sans fin ?  
Petit flash-back de deux siècles en arrière… oui, enfin en réalité, on vous propose un retour de deux ans, mais dans le vacarme médiatico-politicard de notre époque, deux ans sont largement équivalents à deux siècles. Bref. Septembre 2017 : un sondage BVA révèle que Jean-Luc Mélenchon arrive en tête des personnalités qui « incarnent l’avenir de la gauche » aux yeux des Français sondés, avec 34 %. Et chez les sympathisants de gauche, il obtienet carrément 51 %, devant Benoît Hamon (31 %) et l’ancienne ministre Christiane Taubira (24 %).
Retour vers le futur. Octobre 2019 : 16 % des Français ont une bonne image du leader de la France insoumise, selon le baromètre Elabe réalisé pour Les Échos et Radio classique. 70 % des personnes interrogées ont « une opinion négative » de Jean-Luc Mélenchon, dont 48 % « très négative ». Ironie du sort : il partage ce record d’impopularité avec l’horrible marine Le Pen. Autres chiffres éloquents : pour 73 % des Français, le leader de la France insoumise apparaît comme « agressif », selon une enquête d’opinion réalisée en septembre par Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et Le Figaro. Il apparaît comme « pas sympathique » pour 70 % des sondés et « pas honnête » pour 71 %.  Plus des deux tiers des personnes interrogées estiment qu’il la joue « trop perso » (66%). 62 % le jugent « pas proche des gens » et 68 % « peu compétent ». De plus, Jean-Luc Mélenchon mécontente six personnes sur dix parmi les proches du PS (60 %) et d’Europe Écologie-Les Verts (58 %).
Selon ce sondage, Jean-Luc Mélenchon représente désormais un handicap plutôt qu’un atout pour la gauche pour pas moins des trois quarts des Français (74 %). Pour près des deux tiers des personnes interrogées (65 %), il est également perçu comme un handicap plutôt qu’un atout pour son propre parti.  En enfin, pour en finir avec les chiffres, plus de six Français sur dix (62 %), estiment « non politique » le procès intenté à Mélenchon et cinq autres prévenus pour « actes d’intimidation envers un magistrat et un dépositaire de l’autorité publique, rébellion et provocation » lors des fameuses perquisitions – à son domicile, au Parti de gauche, chez d’anciens assistants et au siège de la France insoumise – menées en octobre 2018 par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions dans le cadre de deux enquêtes préliminaires ouvertes par le parquet de Paris concernant des emplois présumés fictifs d’assistants parlementaires européens et la conformité des comptes de campagne de Mélenchon. Pourtant, l’intéressé n’a cessé d’affirmer le contraire, pointant du doigt un procès politique, dénigrant au passage tout le système judiciaire, et donc, les fondements de la République. Remarquez, on oublie un peu vite que c’est lui la République, comme il l’a si bien clamé lors de ces perquisitions über médiatisées !
Quoiqu’il en soit, en quelques années, la gauche s’est effondrée et il serait grand temps que son leader autoproclamé se responsabilise un chouia.  Mieux, il serait grand temps qu’il dégage de son trône plutôt que de s’y accrocher obstinément histoire de laisser une micro-chance à la gauche de se reconstruire un jour… si c’est encore possible !
On s’en souvient : en créant son propre parti pour se présenter à la présidentielle de 2017, Mélenchon avait opéré une espèce de hold-up sur la gauche, affaiblissant la bonne vieille gauche traditionnelle, qui, il est vrai, était devenue bien encroûtée. Mais qu’à-t-il fait de son butin, si ce n’est le saboter ? 
Au PS, on l’accuse même sans ménagement d’être coupable d’une dérive des plus inquiétantes. « Jean-Luc Mélenchon lui-même considère qu’il a quitté la gauche, il est sur autre chose et prend un risque considérable à créer des dynamiques qu’il ne maîtrisera pas et qui peuvent conduire à une fusion des Rouges et de Bruns« , avait dénoncé le premier secrétaire du parti socialiste Olivier Faure en janvier dernier sur France info. « De ce point de vue, il est totalement condamnable et on ne peut pas aujourd’hui le suivre dans cette dérive qui est insupportable car elle peut conduire au pire« , avait-il ajouté.  Quant à Benoît Hamon, ancienne tête de gondole socialiste et fondateur du mouvement Génération.s, il estime que Jean-Luc Mélenchon a « quitté les rives de la gauche« , notamment en s’affichant avec des « gilets jaunes » – fantasmant certainement d’être un acteur majeur du « Grand Soir » ! – dans ce que nombre de ses sympathisants déçus ont jugé comme étant une tentative de récupération. 
Nous ne dénigrons pas l’ensemble de la carrière politique de Mélenchon. Nous déplorons simplement ses méthodes dictatoriales et ses discours qui suintent le gâtisme. Et puis, son positionnement de perpétuelle victime devient de plus en plus urticant, notamment quand il est question de parler et de dénigrer les médias qu’il n’hésite d’ailleurs plus à censurer – il a en effet tout bonnement annoncé que Quotidien de TMC ne se verrait plus attribuer d’accréditation pour les évènements des Insoumis. On apprend aussi sur Médiapart qu’il aurait engagé une procédure pour tenter de lire, avant parution, un livre sur lui signé par Thomas Guénolé, ancien cadre insoumis…, avant de l’abandonner.
Que reste-t-il de la gauche après le passage du rouleau compresseur Mélenchon ? Pas grand chose ! Le score des écolos à la dernière européenne ne signifie-t-il pas que la gauche est en train de se transmuter en autre chose, en une force potentielle pour mener des combats sur le plan de l’humain et de la nature ? Nous ne le saurons que lors des prochains épisodes électoraux.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
Cet article, publié dans Débats Idées Points de vue, Politique, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.